1/31/2008

Coup de gueule !

J’aime mon boulot, il me plaît, me correspond. Tant pour l’aspect intellectuel que créatif et ludique. J’ai aussi la chance de travailler au sein d’une équipe que j’apprécie, dans tous les départements.

Parfois pourtant j’en ai marre des réflexes de caste élitiste de mes collègues journalistes. Marre de cette tendance à se croire supérieur et omniscient. Marre de ce mépris à peine voilé pour ceux qui consomment nos médias et nous font vivre. Marre de cette propension «inspecteur des travaux finis», qui critique tout, tout le monde, et se montre totalement incapable de se remettre en question.

Je n’ai pas fait d’études universitaires. Pour diverses raisons de vécu, j’ai jeté l’éponge après le bac. Avant d’en arriver au journalisme, j’ai effectué quantité de jobs différents. Serveuse – du restaurant au tea-room en passant par le bar à apéritif fréquenté par le monde de la nuit. Employée d’une grande fabrique de chocolat, à la chaîne. Employée d’une boulangerie industrielle pour un groupe de supermarchés, à la chaîne. Employée dans une usine de décolletage. Employée d’une firme de métaux précieux, pour la fabrication de la pièce commémorative du 700e anniversaire de la Confédération helvétique. Employée de la bibliothèque municipale, où j’enregistrais sur ordi des thèses en finnois. Employée à l’asile psychiatrique cantonal, section buanderie.

Il m’a fallu des années pour assumer le fait que je n’avais pas de diplôme universitaire. Par rapport à ceux que je fréquentais, par rapport aux attentes familiales, je ressentais à la fois de la honte et de la culpabilité. Il m’a fallu des années pour comprendre que mon expérience professionnelle diversifiée n’était pas une perte de temps, un manque, mais au contraire une richesse, un plus. Cela m’a permis d’élargir mon horizon, d’ouvrir mon esprit, en rencontrant des gens qu’autrement je n’aurais jamais croisés.

Cette largesse d’esprit, cet horizon ouvert, je les ai gardés. Et je trouve qu’ils font souvent cruellement défaut dans l’univers journalistique où j’évolue.

Dernier exemple en date, qui a provoqué l’écriture de ce billet.

Le média qui m’emploie cherche deux nouveaux membres. Discussion des cadres chargés de l’embauche:

«Tu ne vas pas me croire, mais j’ai reçu la candidature d’une coiffeuse!»

«Non, tu déconnes! Une coiffeuse?!?»

«Si si, je t’assure! Elle ne doutait de rien, la nana! Dans son dossier, elle a précisé qu’elle était passionnée par le lifestyle et par internet!»

Mouarf, mdr, gros rires gras et tout ce qui s’ensuit.

Je suis intervenue, notant au passage que leur calvitie respective les rendait sûrement insensibles au message d’une simple coiffeuse. Ils ont bien rigolé.

Moi pas. Je ne suis pas en train de dire qu’il aurait fallu l’engager, cette jeune femme. Ce que je veux dire, c’est que sa candidature aurait mérité plus de respect. Qu’elle, en tant qu’être humain, aurait mérité plus de respect.

Je n’ai pas insisté. Citant un célèbre capitaine: «Autant jouer du cornet à piston devant la Tour Eiffel en espérant qu’elle va danser la samba!»

Ma conclusion: les pauvres ne sont pas toujours ceux que l’on croit.

1/30/2008

Du gothique "sérieux", pour en sourire sans méchanceté

Symbolique (de la véracité de la)

Après la mort de mon père, j’ai cherché à me renseigner sur le deuil. Je savais qu’il existait un processus et que je n’y échapperais pas. N’étant pas naïve, je savais également qu’une connaissance théorique ne me protégerait en rien. Que je n’y couperais pas. Mais je préférais prendre les devants, histoire d’éviter les pièges dus à l’ignorance.

Parmi autant de récurrences, il y avait notamment celle de la première année. La plus pénible à vivre, avec pour corollaire un sentiment de libération dès lors qu’elle est derrière.

Si j’avais eu des doutes quant à cette symbolique, ma mère m’a confirmé sa véracité.

La dernière fois que je l’ai vue, à l’occasion d’un souper dont j’ai déjà parlé, je lui ai forcément demandé comment elle allait.

Bien, m’a-t-elle répondu, très bien. Et de m’expliquer qu’elle se sentait soulagée d’avoir franchi le cap du 15 janvier, date de la mort de mon père.

«Cela ne signifie pas que je l’oublie. Je ne l’oublierai jamais. Il me manque, il me manquera toujours. Mais maintenant c’est différent. Je ne peux plus me rappeler ce que je faisais avec lui il y a une année, jour pour jour. Et ça, c’est un énorme poids en moins…»

Toute personne ayant vécu une rupture comprendra ce qu’elle veut dire. Je la comprends. Nul doute que mon père l’aurait comprise.

Je suis heureuse qu’elle puisse se reconstruire sur la base d’un processus inexplicable rationnellement.

Ou quand la pensée magique a plus de bénéfique que notre société cartésienne le reconnaît officiellement.

Gothique

Le 29 mars, je suis invitée à la soirée d’anniversaire d’une collègue de travail qui est aussi devenue une amie. Pour ses 30 ans, elle a choisi le thème «gothique». Tous les participants sont évidemment censés s’habiller en conséquence.

Marrant comme on peut changer au fil des années. Et pas toujours dans la direction que l’on imaginait. En ce qui me concerne, plus le temps passe, plus je me réconcilie avec mon âme d’enfant.

Lorsque j’étais gamine, j’adorais me déguiser. Une tendance qui a totalement disparu durant l’adolescence et les années qui ont suivi. Bien sûr que j’ai connu une époque «new wave», mais à mes yeux cela n’avait rien à voir avec un déguisement. C’était sérieux. Mon problème d’alors. Je prenais tout, beaucoup trop, au sérieux. J’étais totalement incapable de me lâcher. Ainsi, ce qui ressemblait de près ou de loin à un bal masqué me paraissait futile, superflu, indigne d’un quelconque intérêt de ma part. Il y avait tant de sujets autrement plus «sérieux» auxquels se consacrer.

Force est de constater que j’ai effectivement changé. J’ai déjà commencé à imaginer quel serait mon déguisement gothique, et je me réjouis de la soirée.

Certains changent pour le pire. J’évolue, c’est ma chance et dans ma nature, pour le meilleur.

Un de mes vœux les plus intimes était de «devenir moi». Je suis en train d’y parvenir.

La petite Mafalda et la femme adulte se donnent enfin la main.

Embrassent la vie avec gourmandise.

1/29/2008

Naviguer à vue

Nous savons tous que la médecine n’est pas une science exacte.

Enfin, dans notre société occidentale, nous le savons tous sans vouloir le savoir.

Ce n’est que lorsque nous y sommes directement confrontés que nous en prenons conscience.

Exemple.

Le 12 octobre 2006, le résultat d’une biopsie a démontré chez mon père un mésothéliome, cancer de la plèvre dû à l’amiante. L’oncologue n’a pas mâché ses messages contradictoires. «Préparez-vous, il vous reste au mieux trois à six mois à vivre.» Et: «Vu que vous êtes jeune, dans l’ensemble en bonne santé, je vous propose de tenter l’opération.» I.e. ablation d’un poumon, du péricarde, du diaphragme et grattage de la plèvre.

Bien que, parce que l’on s’est renseigné, on soit au courant qu’il n’existe pas de traitement efficace, que le mésothéliome est une maladie mortelle, on accepte le deal. L’instinct de survie prend le dessus.

Opération. Réussie.

Quoique.

Mon père, en rééducation à l’hôpital de Rolle, se plaint de douleurs intenses. Normal, affirment les spécialistes. Traumatisme post-opératoire. Ce n’est que bien plus tard, quand la souffrance ne diminue pas, que mon père est admis en urgence à l’hôpital Pourtalès, à Neuchâtel, qu’on lui fait passer un nouveau scanner. Verdict: métastases. Il meurt une semaine après.

Ma sœur a téléphoné dernièrement au chirurgien qui a opéré mon père. De façon stupéfiante, il s’est confié sans la moindre hypocrisie.

«Nous nous sommes trompés dès le début. Il est clair qu’avec votre père des métastases étaient à l’œuvre dès après l’opération. Si nous n'en avons pas tenu compte, c’est parce que le cas était exceptionnel. Je n’en avais jamais rencontré en de longues années de carrière. Si nous l’avions su, nous l’aurions traité différemment. Nous aurions plus fait attention à sa douleur… »

Contrairement à ma mère qui cherche encore des coupables, je n’en veux pas aux médecins, ni à l’oncologue, ni au chirurgien.

Je constate juste que la médecine n’est pas une science exacte.

Et que, souvent, les spécialistes naviguent à vue comme les proches.

Saint-Valentin

Avec la «Fête des mères», la «Fête des pères», «Noël», «Nouvel An», «Halloween», la «Fête des grands-mères», j’en passe et peut-être des meilleures… la «Saint-Valentin» trouve sans peine sa place au hit-parade des commémorations à caractère strictement commercial. Et se classe ainsi, à mes yeux, parmi les «événements» dépourvus de toute valeur.

Cette année, pourtant, j’amènerai mon écot à la grande broyeuse de portemonnaie. Par hasard, il est vrai.

A l’occasion d’une série de congés en février, je me suis dit qu’il serait bien agréable d’organiser un voyage avec mon homme. Aussitôt pensé... Un saut à l’agence Railtour, où j’ai ratissé large dans les catalogues. Mon vœu le plus cher aurait été le Transsibérien. Nul doute que je le réaliserai un jour, je l’espère avec mon chéri, mais en l’occurrence ce n’était pas très réaliste. Après avoir butiné ça et là, j’ai porté mon dévolu sur…

Un séjour à Prague.

Hôtel romantique multi-étoilé au sein historique de la capitale tchèque, champagne, souper aux chandelles, petit-déjeuner servi dans la suite, balade en calèche…

Offre spéciale, pour la Saint-Valentin.

Ben oui.

Le «ben oui» n’est pas destiné au fait que j’aie flashé sur un «séjour en amoureux», que je l’aie réservé. Le «ben oui» est destiné au fait que, l’once d’un instant, je me suis sentie coupable. D’avoir été séduite par des sirènes de supermarché, d’avoir cédé aux illusions du consumérisme, d'avoir fait fi de ma conscience écologique. Etc, j’en passe, et sûrement des meilleures.

Ben oui. Les réflexes d’intello coincé que toute sa prime jeunesse on a mis sur un piédestal laissent quelques traces. Heureusement que j’ai évolué, que les aléas d’une existence mouvementée, hors de certains sérails déterminés, pour ne pas dire déterministes, m’ont permis de comprendre que le plaisir brut n’est pas antithétique à l’esprit critique. Que l’on peut jouir (sic) des deux en parallèle.

Le 18 février, quelques jours après la Saint-Valentin, je prendrai l’avion pour Prague avec mon amour.

Et je m’en réjouis. Sans fard.

1/27/2008

Fratellino

Il y a des gens, comme ça, que l’on fréquente depuis des décennies et que tout soudain on regarde différemment.

Samedi soir, souper chez ma mère dans son nouvel appartement. Présents, outre maman: ma sœur, mon chéri, mon oncle et sa femme. Mon oncle du côté paternel. Le frère de mon père. Malgré ses bientôt 60 ans, son «petit frère».

Je le connais depuis quasi 41 ans, mais jamais auparavant je ne m’étais rendu compte combien il ressemble à papa. De taille il est moins grand, physiquement il est beaucoup plus marqué, il paraît plus âgé. Pourtant, c’est ce qui m’a interpellée, l’air de famille est indéniable. Les mimiques, les moues, la tenue, l’ensemble du langage paraverbal… Les deux frères ont chacun suivi leur voie de vie. Pourtant, c’est ce qui m’a frappée, ils ont gardé un lien, des racines, au-delà du quotidien. Au-delà des circonstances.

C’était touchant de voir mon oncle sous cet aspect, le «fratellino» de mon père. C’était triste. Troublant. Je n’ai pas bien dormi la nuit qui a suivi.

J’aurais aimé… j’aurais voulu…

Je ne regrette pas.

A cheval sur la Suisse profonde


Verkehrshaus Luzern_2972
Originally uploaded by quorm

Musée des Transports

La première fois que j’y suis allée, c’était avec mon père et ma sœur. Je devais avoir quelque chose comme onze ou douze ans. J’en ai gardé un souvenir émerveillé. L’évolution des trains, des voitures, des bateaux, des avions, les voyages dans l’espace… Tout était magique à mes yeux de petite fille. Surtout la partie espace et son instrument merveilleux, le Planétarium. Ce n’est que bien plus tard que j’ai découvert les livres d’Hubert Reeves et que je me suis dit que, si j’avais été meilleure en sciences, j’aurais aimé devenir astrophysicienne. Mais à cette époque déjà j’étais habitée par une fascination du cosmos qui ne m’a jamais quittée.

Aujourd’hui, tant d’années après, je suis retournée au Musée des Transports de Lucerne. Avec mon homme. J’avais envie de lui faire découvrir un peu de cette Suisse qu’il ne connaissait pas encore, et le musée en particulier. Durant le trajet en train, j’étais emplie de curiosité. Le concernant –cela lui plairait-il?- me concernant –la magie opérerait-elle encore? J’étais presque sûre de la réponse. Mais… on n’est jamais sûr de rien.

Réponse: oui, la magie opère toujours. Et l’intérêt est double lorsqu’on s’y rend à l’âge adulte. Pour peu que l’on ait conservé son âme d’enfant.

L’enfant écarquille ses mirettes dans un monde qui parle de rêves devenus réalité. L’adulte admire la force de l’invention, de la créativité. Tous deux se rejoignent, avec des langages différents, sur la perspective d’horizons infinis. Le premier l’envisage à neuf, le second prend un bain de jouvence.

Evidemment que l’adulte voit aussi la part d’ombre: la même force d’invention, de créativité, trop souvent utilisée à mauvais escient. Les risques qu’encourt l’Humanité à s’emballer dans une course folle au progrès si elle n’est pas modérée par de pragmatiques nécessités de préserver la Planète. Une part d’ombre nuancée par la vision intelligente de l’enfant, dont il serait plus que dommageable de ne pas tenir compte.

Au final, pour peu que l’on aie les yeux en face des trous, on en sort rééquilibré. Une belle leçon de vie. Un beau terreau de réflexion. Si on a la chance de le partager en couple, la résonance est encore plus forte.

Suisses et étrangers: une visite au Musée des transports, à Lucerne en vaut la peine.

1/24/2008

Muse

Histoire d'accompagner mes billets précédents...

Avastin

Lorsqu’une terrible maladie frappe un de nos proches, arrive le moment où l’on ne sait plus quoi penser quant aux traitements, quant aux médecins, quant à la médecine dans son ensemble. A l’instant précis où l’on perd l’espoir, se pointe le spécialiste proposant sa nouveauté inédite. Il est quasiment impossible alors de renoncer. Tant le malade que son entourage s’accrochent. Compréhensible.

A posteriori, lorsque tout est terminé, on se sent plein de rage. L’impression d’avoir été floué, l’impression de s’être volontairement laissé tromper. C’est alors que l’on rencontre des personnes qui croient à d’autres traitements, d’autres nouveautés inédites. On sait ce qu’on a envie de leur répondre, sans faux-semblants. D’un autre côté, on n’a pas envie de leur briser l’espoir.

Avastin. Je suis certaine que ce médicament cherche avant tout des cobayes. Je n’en dirai rien aux concernés. Parce que peut-être cela peut marcher. Parce que sinon les malades et les familles y trouveront momentanément de l’air.

Parce que, le courage.

Et la solidarité.

1408

Censure

Je suis une farouche partisane de la liberté personnelle. En matière d’action et d’expression. Pourtant je ne suis pas assez naïve pour croire à la liberté absolue. Etant donné que la liberté d’autrui s’arrête là où commence la mienne. Que ma liberté s’arrête là où commence celle d’autrui.

Théoriquement, c’est simple à appliquer. Pratiquement, cela se complique. Sur quels critères se baser pour déterminer ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas? Seuls les indécrottables idéalistes s’accrocheront à des critères universels. Ceux qui ont un tantinet vécu sauront que ces critères n’existent pas, pas plus qu’une hypothétique objectivité. Quand on choisit de poser une limite, c’est toujours en accord avec sa propre subjectivité.

Lorsque j’ai créé ce blog, je me suis promis de le laisser ouvert à tout commentaire, sans le regard auquel j’aurais eu légitimement droit. Aujourd’hui je me rends compte que j’ai été, justement, naïve. J’avais envisagé sans crainte la critique, ceux qui ne seraient pas d’accord avec moi, pour la bonne raison que je n’ai pas peur de la remise en question. Ce que je n'avais pas envisagé, c’est l’attaque gratuite, qui n’apporte rien dans son intervention ni dans la réponse qu’on pourrait lui amener – lui opposer, dès lors qu’il ne s’agit pas de communication, de dialogue, mais d’un stérile rapport de force.

Ainsi, c’est avec tristesse que j’ai décidé d’appliquer une forme de censure qui, intimement, ne me convient pas. A l’image, malheureusement, de certains schémas récurrents: qu’une seule personne abuse, ce sont toutes les autres, respectueuses des règles, qui en font les frais.

Désormais, les commentaires postés sur mon blog ne seront plus publiés automatiquement. Ils seront stockés dans une boîte de réception et ce n’est qu’après les avoir consultés que je donnerai mon go ou non.

Merci d’avance de votre compréhension.

Chambre 1408

Les films tirés des livres de Stephen King, hormis quelques exceptions – «Carrie» de Brian de Palma et évidemment l’incontournable «Shining» de Stanley Kubrick – ont tous été des navets.

Alors à l’annonce de «Chambre 1408», je suis d’abord restée hésitante. Si c’était pour assister à une énième daube, non merci. Une fois n’est pas coutume, ce sont les diverses critiques que j’ai pu en lire qui m’ont convaincue de tenter le coup. Notamment celle de Norbert Creutz, du Temps, qui n’est pas précisément à la botte d’Hollywood.

Va pour «Chambre 1408». Adaptation de «1408», nouvelle du recueil «Blood and Smoke» paru en 1999.

Il y a des films qui ont un étrange effet boomerang. Lorsqu’on en sort, on se dit que c’était bien, qu’on a voyagé comme on aime, mais qu’on n’a pas été impressionné plus que ça. Puis, les heures passant, on révise son jugement de départ. Certaines scènes reviennent en boucle, puissantes, on en rêve la nuit, et on finit par se rendre compte que l’on est habité. «Chambre 1408», pour moi, en fait partie.

Ce n’est pas un chef-d’œuvre. Mais la mayonnaise prend et on se laisse emporter. Notamment grâce aux scénaristes, qui ont su donner du relief à la nouvelle de départ. Au réalisateur, Mikaël Hafstrom, par une mise en scène intelligente. Et surtout grâce à John Cusack, dont le jeu d’acteur en huis clos est magistral.

Stephen King ne sait pas écrire. Il faut toutefois lui reconnaître un véritable talent à cerner des thèmes de préoccupation à la fois en phase avec l’Humanité de son époque et atemporels.

Dans le cas de «Chambre 1408»: comment survivre à ses blessures les plus destructrices sans pour autant les refouler?

La réponse dans ce film qui vaut le détour.

Pour ceux qui n’apprécient pas le genre, la réponse se trouve en tout un chacun.

1/22/2008

Sans limite

La véritable créativité ne se bride pas de frontières. Du genre quand on veut, intimement, tripalement, on peut.

Pour preuve: le débarquement d'Omaha Beach, réalisé en quatre jours avec trois personnes. Un résultat qui laisse sur le luc. A la fois époustouflant et troublant. S'il suffit d'une production aussi basique pour être vraisemblable, à quelle crédibilité se raccrocher?

Au-delà de toute interrogation: chapeau!



PS: merci, encore, à Chicheux.

Tabou

Il s'agit d'un mot d'origine polynésienne qui signifie «défendu» ou «interdit».

Le verbe tapui signifie quant à lui «rendre saint» .

Le tabou désigne, dans la littérature ethnologique, une prohibition à caractère magico-religieux dont la transgression entraîne un châtiment surnaturel.

En polynésien, le contraire de tabou se dit «noa», ce qui est ordinaire, accessible à tout le monde. C’est ainsi qu’au tabou se rattache la notion d’une sorte de réserve, et qu'il se manifeste essentiellement par des interdictions et restrictions.

Dis-moi ce qui t'est ordinaire, accessible. Dis-moi ce qui t'est défendu, interdit. Je te dirai qui tu es.

Expression

Se lever du pied gauche.

Le vocable «gauche» (sans aucune connotation politique) n’a jamais eu une réputation favorable. Qu’il indique un membre corporel de l’être humain («avoir deux bras, deux mains gauches») ou, par extension, qu’il exprime la maladresse. Je n’ai pas cherché l’origine de ce malaise, mais sans doute est-il profondément inscrit dans la mémoire collective. Je me souviens de ce que m’avait raconté un ami italien. Gaucher. Lorsqu’il était gamin, sa maîtresse d’école lui attachait le bras gauche dans le dos pour le forcer à apprendre à écrire de la droite. Parce qu’être gaucher, c’était éminemment malsain, ce n’était pas «normal» (non naturel et ne correspondant pas à la norme).

Se lever du pied gauche, donc. Ou comment une métaphore peut se concrétiser au quotidien.

Je suis à la fois un oiseau de nuit et une marmotte. J’ai horreur des réveils matinaux et si j’en ai la possibilité mon quota idéal de sommeil est de dix à douze heures. Ce matin, pour la quatrième fois d’affilée, l’alarme de mon portable a sonné à 04h40. Aussitôt (aussi tôt), je me suis mise à me plaindre intérieurement: «Monde de fous! Torture! C’est inhumain! Je ne veux pas!» Ainsi de suite durant de longues minutes. J’étais toute prête à me lever du pied gauche. Puis je me suis mise à l’écoute d’une autre voix qui chuchotait en arrière-plan. Une voix qui disait: «Je suis vivante, je suis en bonne santé, un homme m’aime et je l’aime, j’ai une chouette famille, de chouettes amis, un job qui me plaît. Un toit sur ma tête, de quoi manger, de quoi boire, je ne souffre pas du froid en hiver…» Etc, etc. Mes plaintes m’ont paru soudain bien minuscules.

C’est du pied droit que je me suis levée. Ou du pied gauche. Ou des deux pieds. Quoi qu’il en soit, en descendant à la gare, en attendant le train, je me sentais sourire aux anges. L’air frais d’avant l’aube était délicieux à respirer, un merle poussait ses notes dans le lointain. Une touche de printemps.

Evidemment que cet équivalent de la méthode Coué ne saurait être toujours efficace. Je crois toutefois de plus en plus à ses vertus au jour le jour.

1/20/2008

Mort de l’avant-dernier «poilu»

Les personnes de ma génération sont des enfants de la Guerre froide. En matière de passé, elles sont généralement, par ouï-dire, interpellées par la Deuxième Guerre mondiale. Encore qu’en Suisse dans une moindre mesure. Je me rappelle que lorsque j’étais enfant, mon grand-père maternel nous racontait sa «Mob». J’avoue qu’en comparaison de ce qui s’était produit ailleurs en Europe, notamment en France, je ne parvenais pas à prendre son engagement au sérieux. Attitude passablement helvétique, il me semble.

La guerre qui m’a profondément marquée, c’est la Première. Même si cela aurait été envisageable, je n’ai pas eu de témoignage direct. Je ne me souviens que d’une vague histoire, floue dans les méandres temporels, concernant un arrière-grand-père décédé juste avant ou juste après la naissance de mon grand-père paternel parce qu’il avait été gazé. Impossible donc d’expliquer de façon rationnelle cette étrange émotion qui me tient quant à la «Der des Ders». Emotion renforcée par un voyage à Verdun qui m’a littéralement mise sens dessus dessous.

De nature plutôt pragmatique, je ne me reconnais aucune affinité avec le paranormal. Pourtant, tandis que je visitais entre autres l’Ossuaire de Douaumont et ses environs toujours chamboulés après des décennies, je me suis trouvée très près de croire aux fantômes, esprits errants, à la métempsychose, aux facultés médiumniques. Foin de périple historico-touristique. J’ai eu le sentiment, concret, tangible, d’être habitée par les âmes (?) de tous les hommes qui avaient souffert et étaient morts en ces lieux.

Hyper-sensibilité, empathie extrême? Peut-être. N’empêche qu’il m’en reste un trouble «existentiel», que je demeure sans le comprendre intimement liée à cette période, dont je ne peux entendre parler sans frissonner, comme si je l’avais personnellement vécue.

C’est sans doute pour cela que j’ai eu un coup de blues au boulot, en prenant connaissance d’une banale nouvelle d’agence:

«Louis de Cazenave, ancien combattant de la Première Guerre mondiale, est décédé dimanche matin à l’âge de 110 ans, à Brioude, en Haute-Loire.

«Il est mort chez lui, dans son sommeil, sans souffrir», a déclaré à l’Associated Press son fils, également nommé Louis de Cazenave. L’ancien combattant sera enterré mardi à 14h30 dans la commune où il résidait. Il s’était engagé à 18 ans.»

Réconfortant de savoir que la Grande Guerre n’a pas laissé derrière elle que des cadavres précoces. Triste de penser que Cazenave s’est éteint, hormis pour sa famille, dans l’indifférence générale. La Première Guerre mondiale? Oulà, c’était il y a des siècles! D’ailleurs, est-ce qu’elle a seulement existé?

Evidemment qu’il est préférable que l’Humanité aille de l’avant. Mais pas en se voilant la face derrière l’oubli forcé. On ne saurait rien construire sur le déni.

Le dernier «poilu» est désormais Lazare Ponticelli, âgé lui aussi de 110 ans. Je me demande s’il est au courant de la mort de Cazenave. S’il a songé, comme moi, bien que pour lui légitimement:

«Salut, camarade!»

En hommage. Pour le nécessaire devoir de mémoire.

1/18/2008

Rien à perdre

Et après

Papa et maman, au quotidien


Papa et maman, au quotidien
Originally uploaded by Mafalda67
Au bord du lac de Neuchâtel, en plein bonheur, quand la menace ne planait pas encore sur nos têtes...

1/17/2008

L'étranger / Cox

Encore une nuit de passée
A me demander qui je suis
Encore me sentir étranger
Dans ce pays qui est le mien
Moi qui reste le fils d'ouvrier
Le fils de ceux qu'on a appelés
Quand il fallait tout reconstruire
De la main-d'oeuvre pour l'avenir

Regarde-moi, regarde-moi,
Je n'suis pas l'étranger que tu vois
Comme toi, comme toi je veux vivre
Moi aussi, je suis né ici

Encore essayer d'exister
J'en prends tellement plein la gueule
Combien de temps pour imposer
Ma couleur, mon identité

Regarde-moi, regarde-moi
Je n'suis pas l'étranger que tu vois
Comme toi, comme toi je veux vivre
Moi aussi, je suis né ici

Regarde-moi
Regarde-toi

Regarde-moi, regarde-moi
Je n'suis pas l'étranger que tu vois
Comme toi, comme toi je veux vivre
Moi aussi, je suis né ici

Lui

Quelle chance j’ai de l’avoir rencontré. Il paraît qu’à un moment ou à un autre, que l’on soit homme ou femme, on se dit «c’est elle /c’est lui». Tant que l’on ne l’a pas vécu, cela ressemble à un conte de fée, à une pensée magique qui ne se raccroche à rien. Et lorsqu’on le vit, au début on doute. C’est trop beau pour être vrai. Puis, malgré le doute, on se lance. On ouvre la porte, on s’ouvre dans son entier. On se montre disponible, on accepte, on fait confiance comme jamais.

Quelle chance, j’ai rencontré l’homme de ma vie.

Sans aucun doute, c’est lui.

Les professionnels

Des désavantages de la mondialisation. Des désavantages de la disparition des commerces spécialisés.

Quand on s’en remet aux gigantesques entreprises, on n’est jamais déçu, pour peu que l’on cherche des produits en phase avec la tendance. Sinon, et bien, cela devient autrement plus compliqué.

Un exemple, en ce jeudi 17 janvier 2008. Il y a pas mal de temps que j’ai envie d’apprendre le suédois. Une envie confirmée par les livres de Henning Mankell. Cet après-midi, je me suis dit que j’allais essayer de me procurer une méthode d’apprentissage de cette langue scandinave.

Où? Pourquoi pas à la FNAC?

Autant en rire, a posteriori. Sur les étagères, il y avait «italien», «allemand», «anglais»… Mais de «suédois», point. J’ai demandé l’aide d’un des vendeurs. Il m’a regardée comme si je cherchais une méthode atypique sans aucun rapport avec la réalité, du genre un dialecte tutsi du fin fond de l’Afrique. Ou encore plus irréaliste que ça.

Je n’ai pas insisté. Je l’ai juste remercié, et dit que je trouverais ailleurs.

On a beau être intimement libéral. Il y a des moments où on se sent très conservateur.

1/15/2008

Boucle bouclée

Cette fois ça y est.

Mardi 15 janvier 2008, 02h45. Il y a une année en arrière, même date, même heure, sauf que c’était un lundi, j’étais sur l’autoroute entre Nyon et Neuchâtel. Mon homme au volant. A 01h20, un téléphone de ma sœur nous avait réveillés. Je sais qu’il était 01h20 précisément, parce que mon premier réflexe avait été de regarder l’heure, comme si je voulais fixer l’instant de manière indélébile dans ma mémoire. «Voilà» Ce mot n’en appelait pas d’autres. Je savais sans aucun doute ce qu’elle était en train de me dire. Mon père était mort. A 01h05, heure officielle du décès.

La question était de savoir si j’avais l’intention de me rendre à l’hôpital Pourtalès, capitale neuchâteloise, pour le voir avant que les pompes funèbres ne viennent disposer de son corps. Question ardue, qui m’a valu de demander un délai de réflexion. D’un côté je n’en avais aucune envie. D’un autre je savais que c’était important. Incontournable. Ainsi j’ai fini par accepter ce que je ressentais comme une corvée, liée à une peur intense – pour mon père, pour mes proches, pour moi.

J’ai déjà remercié mon homme pour son incommensurable présence au fil des mois du deuil. J’aimerais le remercier encore pour cette nuit difficile entre toutes. Il s’est montré si disponible. Lorsque je lui ai fait part de ma décision d’aller à Neuchâtel, il s’est levé et habillé comme s’il avait dormi une pleine nuit de sommeil. Durant le trajet, il m’a écoutée déblatérer sur la splendeur des étoiles – le ciel était dégagé cette nuit. Il était là, et c’était bon.

Il était là à l’arrivée à l’hôpital Pourtalès. En cette heure pré-matinale, le hall était vide. Il n’y avait qu’une minuscule forme dans le cadre des ascenseurs. La nonna. La mère de mon père. Malgré tous les griefs accumulés depuis ma naissance, je me suis sentie gagnée de pitié. Elle paraissait si faible, si dépourvue de défense. Instinctivement, je l’ai prise dans mes bras. L’empathie n’a pas duré. Sa froideur ne pouvait être surmontée. «Heureusement que j’étais là», a-t-elle sifflé, «sinon il serait mort tout seul…» Je me suis écartée. Définitivement.

Mon homme était là dans l’ascenseur. Mon homme était là au deuxième étage. Mon homme était là dans le couloir qui menait à la chambre de mon père, dont j’ai oublié le numéro. Mon homme m’a accompagnée dans cette chambre où il n’y avait plus papa, mais son cadavre.

Je ne sais pas si j’y serais arrivée sans lui. Je ne sais pas si j’aurais osé ouvrir la première porte, osé franchir la seconde. Si j’aurais osé m’approcher du corps. Si j’aurais osé le toucher. Il était encore vaguement tiède. Franchement, je ne comprenais pas ce que cela signifiait. Un instant auparavant, c’était mon père, c’était quelqu’un. Un instant plus tard, ce n’était plus personne. Je ne comprends pas aujourd’hui encore. Je ne comprendrai sûrement jamais.

Cela n’empêche pas que le gros du deuil est derrière. Je le sens. Je le sais. En ce «sombre anniversaire», je suis partagée entre la tristesse et la joie.

Tristesse parce que mon père me manque douloureusement. Joie parce que je suis heureuse de ma vie actuelle.

Une manière de dire que le plus sombre des anniversaires peut être illuminé de la plus transcendante des lumières.

Merci papa. Merci mes proches. Merci, infiniment, mon homme.

Pour l’espoir. L’amour. Le courage.

1/14/2008

Ratz

Léger léger. Avec Eric et Ramzy...

L'humilité de la morgue

Plagiant l’excellente pensée de Pierre Desproges: on peut parler de tout, mais pas avec n’importe qui. Quant à en rire, cela relève du défi suprême.

Gamine, puis ado, j’ai tenté plusieurs fois d’amener à la table familiale des sujets qui me titillaient: la maladie, la vieillesse, la mort. Non que cela m’obsédait, mais parce que je devinais que c’était important, et que j’aurais voulu en discuter comme nous discutions du reste de la vie au quotidien. Systématiquement, je me suis entendu répondre: «Bon, franchement, tu n’as pas un thème plus joyeux?» Point barre.

En grandissant, en gagnant en maturité, je me suis rendu compte que le tabou n’appartenait pas qu’à ma seule famille, qu’il était partie intégrante de la société dans laquelle j’évoluais.

Entre 1999 et 2001, j’ai effectué mon stage en journalisme. A cette occasion, j’ai suivi les cours du CRFJ – Centre romand de formation des journalistes, à Lausanne. Il y avait à boire et à manger. Ce que j’ai apprécié plus que tout, c’était les exercices pratiques. Radio, TV, billet d’humeur, interview, enquête. Et reportage.

Le sujet s’est imposé comme ça, sans que j’y réfléchisse. Une visite à la morgue à l’hôpital des Cadolles, Neuchâtel. Ça me paraissait évident, mais je me suis très vite heurtée à des obstacles. Au sein des cours déjà. Questions du prof et de mes coreligionnaires: pourquoi la morgue? Franchement, est-ce que cette curiosité n’était pas morbide? Pour ma part, je ne comprenais pas leur retenue. Nous allions tous un jour ou l’autre passer dans cette antichambre de la mort, et je ne voyais pas pourquoi nous devions faire semblant que cela n’existe pas.

J’ai surmonté les obstacles des cours pour mieux me confronter aux obstacles de l’hôpital. L’infirmière en chef responsable du service de passage m’a reçue du bout les lèvres, avec une suspicion manifeste de tous ses traits, comme si j’étais une espèce de malade dont il fallait se méfier. Après des dizaines de minutes d’argumentation, j’ai eu accès à la morgue proprement dite. Mais pas au tunnel qui y menait de l’hôpital. Comme s’il fallait qu’il n’y ait aucun lien tangible entre les deux.

J’ai vu la pièce qui nous concerne tous. De façon très crue, avec les bacs destinés au découpage des corps, les rigoles pour laisser glisser les humeurs, les outils tranchants, les bottes et les tabliers de plastique, les jets d’eau pour nettoyer. Puis, juste après, les chapelles où la famille vient se recueillir, box séparés de rideaux en velours rouge, juste avant la dernière destination au cimetière.

J’ai écrit un texte que personne n’a reçu. Ni l’hôpital, ni les cours du CRFJ. Je ne regrette pas de l’avoir écrit, parce que je sais qu’il est vrai.

Il faut parler de tout, avec tout le monde. Il faut rire de tout, avec tout le monde.

C’est une nécessité!

The final countdown

Le 11 décembre 2007, une de mes cousines a mis au monde une fille en début d’après-midi. Je me rappelle avoir songé, en soirée, que ce petit bout n’avait pas un an, ni un mois, ni même un jour, mais à peine quelques heures. Et cela m’a troublée, comme si je touchais à un mystère insondable.

Lundi 14 janvier 2008 / environ 02h30.

Il y a une année de ça, il restait à mon père moins de 24 heures à vivre. A ce moment-là, il était déjà tombé dans le coma. Nous autres survivants n’avions plus le moindre espoir en matière de guérison, voire de rémission. Nous ne nous voilions pas la face. L’oncologue ne nous avait pas caché qu’il n’y avait plus rien à attendre sinon la fin, et que certainement elle arriverait rapidement. Nous lui étions reconnaissants de sa franchise, mais je crois que même sans son avis professionnel nous aurions été conscients de ce qui était en train de se produire. Comme si, aussi bizarre que cela puisse paraître, l’être humain était capable de sentir la mort approcher. Par un instinct profondément ancré, que des décennies de tabou ne seraient pas parvenues à éradiquer. Dès lors, notre ultime espoir était que ça aille vite, pour mon père comme pour nous – une pensée difficile à assumer, tant elle met en cause de culpabilité, pourtant une pensée naturelle, empreinte d’empathie. Ce qui nous réconfortait un tant soit peu, c’était de constater qu’il ne souffrait plus. Un choix médical ciblé, qui s’assimile sans l’avouer à l’euthanasie, avec dans notre cas le plein accord de la famille: lorsque le curatif n’est plus envisageable, on recourt au palliatif. On se concentre sur la douleur en augmentant les doses de morphine. Et en augmentant les doses de morphine… Finalement, c’est bien l’inverse de notre part qui aurait été égoïste: de nous accrocher à la présence de mon père envers et contre tout, quitte à ce qu’il continue à crever le martyre. D’où notre seul souci, en forme de lâcher-prise: le laisser partir tout en l’accompagnant au mieux, de tout notre amour, jusqu’au bout. S’il est mort au cœur de la nuit en notre absence, je pense que ce n’était pas par hasard. Sans doute a-t-il voulu nous épargner cet instant, nous protéger comme il l’avait toujours fait. Et s’il a pu le faire c’est parce que, en une dernière harmonie, nous lui avons permis cette liberté.

Une année. Une année déjà. Ces douze mois ont été si rapides. Je ne prétendrai pas que c’était hier, bien que les images demeurent très vivaces. J’ai plutôt l’impression que c’était il y a un siècle, tant mon existence a été fournie, tant j’ai vécu d’événements et de sentiments différents.

La date est symbolique, c’est évident. Mais je ne nierai pas être soulagée d’être sur le point de franchir le seuil. Mon père me manque chaque jour, je suppose qu’il ne cessera jamais de me manquer. Le plus étrange, citant ma sœur, ce n’est pas tant son absence. Le plus étrange, c’est de penser qu’il a été présent. Inutile d’essayer d’expliquer rationnellement. Il faut avoir traversé ce ressenti pour comprendre, intuitivement, ce qu’il signifie.

Si l’au-delà avait accès à la blogosphère:

Merci, mon papounet! Merci pour tout!

1/11/2008

Ratzinger

Quizz:

1° Ratzinger, la nourriture que votre chien vous réclamerait s’il pouvait parler?

2° Ratzinger, un membre des Transformers?

3° Ratzinger, ex-cardinal responsable de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi – que l’on connaît mieux sous le nom d’Inquisition – alias Benoît XVI?

Réponse:

Joseph Ratzinger est depuis le 19 avril 2005 le 265e pape de l’Eglise catholique romaine.

Un conservateur ultra, dont on craignait le pire, et qui au fil de son sacre dépasse le pire que l’on craignait.

Dans sa dernière encyclique, il coupe définitivement les ponts avec l’Humanité. Selon le texte, l’Homme est incapable de se libérer de l’emprise du Mal et le seul vrai Salut réside dans la Foi.

Notre société occidentale s’effraie, à juste titre, des fondamentalismes – notamment musulman. Qui s’effraie du fondamentalisme catholique? Qui s’effrayerait d’une culture religieuse ancrée depuis des siècles? Qui sinon quelques philosophes à la Michel Onfray, que l’on considère soit comme des paranos, soit comme des renégats?

Heureusement que l’Eglise reste sous la coupe de la séparation d’avec l’Etat.

Il n’empêche qu’il faut garder l’œil ouvert, qu’il faut rester vigilant. Histoire que de la lumière l’Humanité ne fasse plus jamais marche arrière vers l’obscurité. L’obscurantisme.

Et le serpent se mord la queue

Il se passe rarement une journée sans que j’aie envie de m’arracher les cheveux à la consultation des médias, quels qu’ils soient. Parfois, heureusement, l’absurde prend tellement le dessus que c’est le fou rire qui me gagne.

Le thème international de ces derniers mois, monté en apex sur les Fêtes et en ce début de 2008, c’est la vie «privée» de Nicolas Sarkozy. A en croire les sondages, les Français et les francophones susceptibles de s’intéresser à l’Hexagone se moquent des amours de Sarko, tout en en redemandant encore et encore. La même schizophrénie est à l’œuvre chez les journalistes / chroniqueurs de tous bords – et c’est celle-là qui me pousse à rire à m’en tordre les côtes.

Canards, radios, TV, sites internet, blogs… les médias dans leur ensemble s’accordent à dénoncer le fait que l’on parle trop des «secrets d’alcôve» du président français. Et, ce faisant, ils contribuent à alimenter ce qu’ils dénoncent. Parler de ce que l’on parle trop, c’est toujours parler de ce que l’on parle trop. Etc.

Nicolas, qui a compris que pour maîtriser le pouvoir il faut maîtriser la communication, doit bien se marrer.

Et moi je reconnais que je me marre bien aussi.

Santé!

A l’aube de la nouvelle année, on a dispersé des vœux vers tous ceux qui nous sont chers. Des vœux pour eux, des vœux pour nous aussi.

Du bonheur en général, tout ce que cela suppose. Et, principalement, de la santé.

Sûr que, si on est au top, c’est un poncif. Sûr qu’il suffit de pas grand-chose pour comprendre que c’est beaucoup plus que cela.

De mon père, je tiens une solide forme. Malade, au pire, en moyenne tous les cinq ans. Ainsi la semaine dernière. La grippe n’était pas encore arrivée en Suisse. Avant la grippe, un de ces innombrables virus. Forte fièvre, approchant des 40°, bronchite, rhume, maux de tête, courbatures généralisées. Douleurs intenses, sur les ganglions, les côtes.

Pas de visite chez le médecin. Pas de coûts supplémentaires. On applique les recettes de maman, les recettes de grand-maman. Se reposer. Avaler des effervescents pour diminuer la température. Beaucoup boire.

Selon le dicton: un virus traité par médicaments dure quinze jours – un virus traité sans médicaments dure deux semaines.

Ce qui frappe plus que tout, c’est l’absence de santé. C’est de prendre conscience, soudain, que ce que l’on croyait une évidence est plutôt une chance.

Ainsi, je vous souhaite à tous la meilleure des santés. Je crois que je sais un peu mieux de quoi je parle.

1/10/2008

Bleue comme une orange

Internautes que vous êtes, internaute que je suis, internautes que nous sommes / nous avons tous pris l’habitude d’utiliser Google comme principal moteur de recherche.

Internautes que vous êtes, vous êtes peut-être comme moi sensibles à l’avenir de notre planète. Peut-être sensibles comme moi à l’idée d’arrêter de sucer la moelle de notre mère à l’image d’autant de vampires.

Si oui, vous connaissez déjà ces petits gestes qui ne coûtent pas grand-chose mais qui peuvent contribuer, sur le long terme, à faire la différence. Si oui, vous saurez également que l’évolution dans ce domaine est heureusement infinie.

Ainsi il existe désormais des moteurs de recherche écolo-économiques:

ecogle.fr et ecoogle.net.

Pourquoi ces services plutôt que l’habituel? Un fond noir à la place du blanc, et c’est bingo. I.e:

«Si tous les utilisateurs de Google utilisaient ecogle.fr/ecoogle.net, on pourrait économiser 750 mégawatts-heure par an. Soit toute l’énergie produite par 1000 petites éoliennes, ou par 26 turbines du barrage des Trois-Gorges en Chine.»

C’est simple, ça n’exige pas de grand effort.

Allez, notre Terre compte sur moi comme sur vous !

1/09/2008

Un fossé - un pont

Certains commentaires laissés dernièrement sur mon blog m’ont ramenée de nombreuses années en arrière. Je ne saurais en situer la date avec exactitude, mais ce devait être peu après mes vingt ans.

Je fréquentais alors un groupe de personnes qui se flattaient de ne lire que de la haute littérature, de ne regarder que des films d’auteur, de n’écouter que de la musique pointue, etc. Je ne sais pas ce qu’ils en pensaient réellement, mais moi j’étais assez mal à l’aise. Non pas avec le type d’œuvres précitées, plutôt par rapport à l’extrémisme que cela sous-entendait. J’étais partagée. D’un côté je trouvais cette attitude très classe, d’un autre j’avais l’impression d’être enfermée dans un carcan qui ne me convenait pas. Dans lequel je ne me reconnaissais pas. Un grand écart qui me poussait aux comportements les plus absurdes. Je me souviens, entre autres exemples, avoir encensé un livre de Thomas Pynchon auquel sincèrement je n’avais rien compris, uniquement parce qu’il était du meilleur ton de déclamer combien cet écrivain était génial. Je me souviens avoir dévoré les bouquins de Stephen King, que je découvrais en parallèle, dans le plus absolu des secrets, comme on se livre à une activité honteusement indicible. Stephen King, ce n’était pas de la «littérature», c’était du «roman de kiosque de gare». Autant dire de la sous-merde, qu’une personne normalement constituée intellectuellement ne se devait même pas de feuilleter. J’aurais souhaité partager mon point de vue, notamment sur son approche sensible de la psychologie humaine au jour le jour, mais. L’exprimer à voix haute, cela aurait signifié être exclue du groupe. Et je n’en avais pas le courage.

Cette quasi schizophrénie s’est poursuivie quelques mois durant. Je dois à un auteur que je déteste de m’en être sortie. J’ai nommé: Jean-Jacques Rousseau. Je n’épiloguerai pas sur les raisons de ma détestation. Disons simplement que sa tendance intrinsèque à la victimisation m’a toujours insupporté. Pourquoi je le lisais? Quelle question! Ecrivain et philosophe majeur, il était simplement incontournable. J’avais commencé «Julie ou la Nouvelle Héloïse». Et je m’emmerdais. Comme je m’emmerdais! A chaque page je me forçais, encore une, allez, encore une. Il devait m’en rester une vingtaine quand tout à coup j’ai eu un déclic. Je me suis vue à distance et je me suis demandé ce que j’étais en train de faire. Je me forçais à lire un livre que je n’avais pas envie de lire, pour correspondre à un cadre extérieur que j’éprouvais telle une obligation, pour continuer à faire partie d’un «clan». Ridicule! J’ai respiré profondément, et j’ai refermé la «Nouvelle Héloïse». Je ne l’ai jamais terminé. Ça a été ma libération.

Dès lors, j’ai refusé d’entrer dans la moindre secte «culturelle». Que ce soit en matière de littérature, de cinéma, de musique, etc… que ce soit en général, au quotidien.

Quel que soit le sujet, quel que soit le domaine, quel que soit le terrain, quelles que soient les personnes: je me fiche totalement des étiquettes. La richesse humaine, la richesse de l’existence, sont partout présentes.

La différence entre, au hasard:

«A la Recherche du Temps perdu» / Proust et «Hyperion» / Dan Simmons?

«L’Oeuf du Serpent» / Bergman et «Batman begins» / Chris Nolan?

«Le Mandarin merveilleux» / Béla Bartok et «Un peu de Douleur» / Superbus?

Pas de différence.

Et cela vaut pour les gens comme pour les œuvres.

Malgré les difficultés, voire les cruautés, je reste une indéboulonnable optimiste: la vie, ce et ceux qui nous entourent, recèlent d’innombrables trésors. Pour peu que l’on demeure curieux, ouvert d’esprit.

Naïveté, grinceront les aigris.

Ineffable lucidité. Ceux qui savent sauront.

Aux autres, à bon entendeur.

1/06/2008

Petit vocabulaire barbare

Pour peu que l’on reste en éveil, on est susceptible d’apprendre chaque jour un nouveau mot. Quelle que soit sa maîtrise de la langue maternelle. Et quel que soit le lieu de la découverte.

Homéostasie.

Tel est le vocable que j’ai lu aujourd’hui dans le «Femina», encart au «Matin Dimanche». Jamais entendu parler.

A en croire une recherche effectuée sur le net, il s’agit à la base d’une faculté biologique qui permet au corps de conserver l’équilibre de fonctionnement en dépit des contraintes extérieures. Une faculté positive de prime abord, mais qui l’est moins lorsqu’on la transpose au niveau psychologique. Puisqu’alors «conserver l’équilibre de fonctionnement» suppose de perpétuer l’état auquel le psychisme est habitué, même s’il est intimement malsain. Ainsi cette force biologique est devenue une faiblesse psychologique, dans le sens où elle a rendu les êtres humains que nous sommes résistants au changement. I.e. à l’amélioration personnelle. A l’évolution.

Homéostasie, donc. C’était en rapport avec un article sur les bonnes résolutions de début d’année. Pourquoi on s’y tient, pourquoi on ne s’y tient pas, pourquoi parfois on réussit du premier coup, pourquoi parfois on passe par des rechutes.

Un article pertinent, qui m’évoque un plagiat qui n’a rien à y voir – ou peut-être si.

Homéostasie, pauvre Juliette!

Sourire…

1/05/2008

Troll

Il a essayé de m’atteindre par tous les biais possibles. Ça n’a pas marché.

Il a essayé d’atteindre mes amis par tous les biais possibles. Ça n’a pas marché.

Il a essayé d’atteindre ma famille par tous les biais possibles. Ça n’a pas marché.

Il a essayé d’atteindre l’homme que j’aime par tous les biais possibles. Ça n’a pas marché.

Comme je le disais dernièrement à Mél, certains trolls se donnent toute la peine du monde pour blesser et ça ne marche pas. Lorsqu’on les lit, on sourit de pitié et on passe à autre chose. La bave du crapaud…

En attendant, j’en ai assez que cette bave souille mon blog. Non tant pour moi que pour ceux qui le consultent. C’est ainsi que, dès aujourd’hui, je supprimerai les commentaires d’ «anonyme».

Qu’il crie à la victime. Qu’il en tire les conséquences qu’il veut. Sans aucune animosité, je lui souhaite, très sincèrement, la voie de la guérison.

1/03/2008

2007 - 2008

Avant, pendant et après le passage à la nouvelle année, chacun y va de sa rétrospective et de son bilan.

2007 a pour moi été une année extrême. Marquée par deux événements majeurs, intrinséquement liés.

J’ai beaucoup parlé de la mort de mon père, le 15 janvier 2007 à 01h10, et de tout ce qui en a découlé les mois qui ont suivi.

J’ai beaucoup moins parlé d’une autre personne, qui pourtant s’est montrée essentielle sur les mêmes mois.

Sans doute parce que, malgré toute ma bonne volonté, je ne parvenais pas à la voir.

Devant le corps de mon père – je n’étais pas encore capable de penser «cadavre», cela ne m’est venu que lors de mon unique visite dans la chapelle mortuaire de l’hôpital – devant le corps de mon père sans vie en ce matin clair et froid du 15 janvier, un corps sans vie mais toujours vaguement tiède, gagné par la «rigor mortis»… devant le corps de mon père, je me suis promis de ne pas baisser les bras. Je me suis fait cette promesse, et à lui aussi, parce que je savais qu’il n’aurait jamais souhaité que je laisse tomber. Je savais que ce serait horrible, mais.

Je savais que ce serait horrible, pourtant je n’en avais aucune idée. Plus terrible et définitif que ça, je n’avais jamais connu. Au point de couler à la mesure des mois. Couler, couler, couler. Ce qui me retenait, c’était la connaissance rationnelle du deuil. La promesse que je m’étais fait. Et, last but not least, la présence de.

La présence de cet homme dont j’avais fait la connaissance en août 2007. De celui qui, pour la première fois de mon existence, m’avait donné envie de m’engager. Celui avec lequel j’envisageais de construire, sur la durée.

Non seulement il a accepté de se lancer dans l’aventure alors qu’il savait pertinemment ce qui allait se produire. Il a aussi accepté, pendant ces interminables mois, de me subir avec mon deuil. De subir mon humeur instable, mon agressivité, mes coups de colère ou mes larmes sans raison apparente.

Il a tout accepté, mais il n’a pas non plus cessé de me mettre en garde. Que cela persiste, viendrait l’instant où il en aurait marre. Où il s’en irait.

Mélange 2007. J’ai poursuivi mon deuil, il m’a aidée à reprendre pied.

Jusqu’au jour où les deux tendances se sont finalement rejointes, où j’ai pu me donner les moyens de tenir ma promesse tout en nous ouvrant la perspective d’un couple.

C’est ainsi que, à l’aube 2008, je suis emplie d’un espoir plein et global.

Un espoir pour la vie avec mon homme, mon amour.

Une gratitude intense, pour lui et pour mon père.

J’aurais aimé qu’ils se connaissent. Ils se sont rencontrés, j’en suis heureuse, mais ils n’ont pas eu plus le temps.

Je sais qu’ils se seraient aimés.

2008.

Je me réjouis de tout ce qui est à venir.

1/01/2008

Cris et chuchotements

Un autre de Bergman. Qui m'avait bouleversée à l'origine, encore que de façon toute théorique. Qui me bouleverse d'autant plus que je sais. Le passage à la nouvelle année qui ouvre, sans que l'on s'en doute, tellement de portes.

Un minuscule Nouvel An / énorme

Si Noël ne me parle pas, on peut facilement deviner que Nouvel An me passe largement au-dessus du chalet.

Juste un chiffre: à l’occasion de ces Fêtes de fin d’année, dans leur ensemble, les Suisses ont dépensé 5,9 milliards de francs – 3,6 milliards d’euros. J’ai beau ne pas être une partisane systématique de la dénonciation consumériste, j’avoue que cela me laisse songeuse. Euphémisme.

Mon programme de cette journée du Saint-Sylvestre: boulot. De 15h00 à 24h00.

Sans aucun soucis. Ce qui ne m’a pas empêchée d’être profondément touchée par la visite de deux collègues de travail, qui au fil des mois sont devenues plus que des collègues. Des amies.

Mél est arrivée la première. Suivie de près par Lili et son mec. Nous avons débouché des bouteilles pétillantes, en discutant de tout et de rien. Jusque vers 02h00. Lili et son mec sont partis de leur côté, Mél m’a raccompagnée chez moi.

C’était, à une certaine aune, un minuscule Nouvel An. A mon cœur, c’était un Nouvel An énorme.

Je n’ai pas de «bonnes résolutions» pour 2008. Je préfère les objectifs. Parmi ceux-ci, le principal reste, comme pour les années précédentes, de continuer à soigner mes relations affectives. Les ans s’égrènent, je n’ai pas changé d’avis: rien ne vaut l’amour. L’amour prime, sous toutes ses formes.

C’est bien ce que je vous souhaite, à toutes et à tous, pour l’année à venir: l’amour vrai, et les innombrables bénéfices qui en découlent.