1/14/2008

The final countdown

Le 11 décembre 2007, une de mes cousines a mis au monde une fille en début d’après-midi. Je me rappelle avoir songé, en soirée, que ce petit bout n’avait pas un an, ni un mois, ni même un jour, mais à peine quelques heures. Et cela m’a troublée, comme si je touchais à un mystère insondable.

Lundi 14 janvier 2008 / environ 02h30.

Il y a une année de ça, il restait à mon père moins de 24 heures à vivre. A ce moment-là, il était déjà tombé dans le coma. Nous autres survivants n’avions plus le moindre espoir en matière de guérison, voire de rémission. Nous ne nous voilions pas la face. L’oncologue ne nous avait pas caché qu’il n’y avait plus rien à attendre sinon la fin, et que certainement elle arriverait rapidement. Nous lui étions reconnaissants de sa franchise, mais je crois que même sans son avis professionnel nous aurions été conscients de ce qui était en train de se produire. Comme si, aussi bizarre que cela puisse paraître, l’être humain était capable de sentir la mort approcher. Par un instinct profondément ancré, que des décennies de tabou ne seraient pas parvenues à éradiquer. Dès lors, notre ultime espoir était que ça aille vite, pour mon père comme pour nous – une pensée difficile à assumer, tant elle met en cause de culpabilité, pourtant une pensée naturelle, empreinte d’empathie. Ce qui nous réconfortait un tant soit peu, c’était de constater qu’il ne souffrait plus. Un choix médical ciblé, qui s’assimile sans l’avouer à l’euthanasie, avec dans notre cas le plein accord de la famille: lorsque le curatif n’est plus envisageable, on recourt au palliatif. On se concentre sur la douleur en augmentant les doses de morphine. Et en augmentant les doses de morphine… Finalement, c’est bien l’inverse de notre part qui aurait été égoïste: de nous accrocher à la présence de mon père envers et contre tout, quitte à ce qu’il continue à crever le martyre. D’où notre seul souci, en forme de lâcher-prise: le laisser partir tout en l’accompagnant au mieux, de tout notre amour, jusqu’au bout. S’il est mort au cœur de la nuit en notre absence, je pense que ce n’était pas par hasard. Sans doute a-t-il voulu nous épargner cet instant, nous protéger comme il l’avait toujours fait. Et s’il a pu le faire c’est parce que, en une dernière harmonie, nous lui avons permis cette liberté.

Une année. Une année déjà. Ces douze mois ont été si rapides. Je ne prétendrai pas que c’était hier, bien que les images demeurent très vivaces. J’ai plutôt l’impression que c’était il y a un siècle, tant mon existence a été fournie, tant j’ai vécu d’événements et de sentiments différents.

La date est symbolique, c’est évident. Mais je ne nierai pas être soulagée d’être sur le point de franchir le seuil. Mon père me manque chaque jour, je suppose qu’il ne cessera jamais de me manquer. Le plus étrange, citant ma sœur, ce n’est pas tant son absence. Le plus étrange, c’est de penser qu’il a été présent. Inutile d’essayer d’expliquer rationnellement. Il faut avoir traversé ce ressenti pour comprendre, intuitivement, ce qu’il signifie.

Si l’au-delà avait accès à la blogosphère:

Merci, mon papounet! Merci pour tout!