1/15/2008

Boucle bouclée

Cette fois ça y est.

Mardi 15 janvier 2008, 02h45. Il y a une année en arrière, même date, même heure, sauf que c’était un lundi, j’étais sur l’autoroute entre Nyon et Neuchâtel. Mon homme au volant. A 01h20, un téléphone de ma sœur nous avait réveillés. Je sais qu’il était 01h20 précisément, parce que mon premier réflexe avait été de regarder l’heure, comme si je voulais fixer l’instant de manière indélébile dans ma mémoire. «Voilà» Ce mot n’en appelait pas d’autres. Je savais sans aucun doute ce qu’elle était en train de me dire. Mon père était mort. A 01h05, heure officielle du décès.

La question était de savoir si j’avais l’intention de me rendre à l’hôpital Pourtalès, capitale neuchâteloise, pour le voir avant que les pompes funèbres ne viennent disposer de son corps. Question ardue, qui m’a valu de demander un délai de réflexion. D’un côté je n’en avais aucune envie. D’un autre je savais que c’était important. Incontournable. Ainsi j’ai fini par accepter ce que je ressentais comme une corvée, liée à une peur intense – pour mon père, pour mes proches, pour moi.

J’ai déjà remercié mon homme pour son incommensurable présence au fil des mois du deuil. J’aimerais le remercier encore pour cette nuit difficile entre toutes. Il s’est montré si disponible. Lorsque je lui ai fait part de ma décision d’aller à Neuchâtel, il s’est levé et habillé comme s’il avait dormi une pleine nuit de sommeil. Durant le trajet, il m’a écoutée déblatérer sur la splendeur des étoiles – le ciel était dégagé cette nuit. Il était là, et c’était bon.

Il était là à l’arrivée à l’hôpital Pourtalès. En cette heure pré-matinale, le hall était vide. Il n’y avait qu’une minuscule forme dans le cadre des ascenseurs. La nonna. La mère de mon père. Malgré tous les griefs accumulés depuis ma naissance, je me suis sentie gagnée de pitié. Elle paraissait si faible, si dépourvue de défense. Instinctivement, je l’ai prise dans mes bras. L’empathie n’a pas duré. Sa froideur ne pouvait être surmontée. «Heureusement que j’étais là», a-t-elle sifflé, «sinon il serait mort tout seul…» Je me suis écartée. Définitivement.

Mon homme était là dans l’ascenseur. Mon homme était là au deuxième étage. Mon homme était là dans le couloir qui menait à la chambre de mon père, dont j’ai oublié le numéro. Mon homme m’a accompagnée dans cette chambre où il n’y avait plus papa, mais son cadavre.

Je ne sais pas si j’y serais arrivée sans lui. Je ne sais pas si j’aurais osé ouvrir la première porte, osé franchir la seconde. Si j’aurais osé m’approcher du corps. Si j’aurais osé le toucher. Il était encore vaguement tiède. Franchement, je ne comprenais pas ce que cela signifiait. Un instant auparavant, c’était mon père, c’était quelqu’un. Un instant plus tard, ce n’était plus personne. Je ne comprends pas aujourd’hui encore. Je ne comprendrai sûrement jamais.

Cela n’empêche pas que le gros du deuil est derrière. Je le sens. Je le sais. En ce «sombre anniversaire», je suis partagée entre la tristesse et la joie.

Tristesse parce que mon père me manque douloureusement. Joie parce que je suis heureuse de ma vie actuelle.

Une manière de dire que le plus sombre des anniversaires peut être illuminé de la plus transcendante des lumières.

Merci papa. Merci mes proches. Merci, infiniment, mon homme.

Pour l’espoir. L’amour. Le courage.

1 Comments:

Anonymous Anonyme said...

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7:09 PM  

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