10/30/2007

Bla bla bla

J’ai grandi dans une famille bi-culturelle, entre la Suisse et la Sicile. Côté sicilien, paternel, on nous a toujours fait comprendre que l’aspect du clan familial passait avant tout le reste. Rien de surprenant sous le soleil, cela va pleinement dans le sens de l’idée que l’on se forme des gens du Sud, d’une tradition perpétuée au fil des siècles. On nous a toujours fait comprendre que les gens du Nord n’étaient pas en mesure de saisir ce profond attachement, eux qui s’étaient perdus dans les méandres de l’individualisme forcené.

Se construire là au milieu, ce n’était déjà pas une sinécure, entre des messages parfois opposés, sinon totalement contradictoires. Avec les années, plutôt que de mettre en avant l’antithétisme, j’ai cherché l’équilibre, j’ai fait en sorte de ne conserver que ce qui me convenait des deux cultures. Avec les années, j’ai compris que c’était une richesse et non un handicap. Et c’est ainsi que je le vis aujourd’hui.

En revanche, j’ai aussi compris que les grands discours sur la famille, sur le clan, sur la solidarité inébranlable qui devrait en découler n’étaient que… des grands discours. Je n’en tire aucune généralité sur les gens du Sud ou quoi que ce soit, je ne parle que de ma famille côté paternel. Petit à petit, j’en suis arrivée à soupçonner que ce n’était que du brassage d’air, que derrière, il n’y avait que du vide. Que cette pseudo-solidarité ne fonctionnait que sous condition, pour autant que l’on demeure dans la droite ligne dogmatique. Sinon il n’y avait plus personne. Ces soupçons me sont venus très tôt, quand je n’étais qu’enfant, de manière informulée. J’ai commencé à les exprimer à l’adolescence, ce qui m’a valu pas mal de souci, notamment de me voir traiter d’incurable égoïste. Idem pour ma sœur. Idem pour mes cousines.

J’ai dit ce que j’avais à dire, puis j’ai marqué le pas. Non que je craignais d’être rejetée – franchement, je m’en foutais, je n’avais pas besoin de cette bénédiction pour poursuivre mon chemin – mais par rapport à mon père, pour ne pas lui faire de la peine. C’était sa mère, c’était son père, c’était son frère. C’était sa famille. J’avais coupé les ponts, mais je me forçais à aller les voir uniquement pour lui.

Maintenant, mon papa est mort. Et tout ce que j’avais soupçonné se confirme malheureusement. Et malheureusement, c’est ma mère qui en fait les frais. Elle n’est plus la bienvenue en Sicile (sic !), personne ne veut aller la voir dans sa maison, on ne l’invite qu’au compte-goutte, en lui marquant bien qu’elle n’a rien à faire là.

Et, bizarrement, c’est la famille des «gens du Nord» qui se montre la plus solidaire. Qui l’accueille sans condition, de jour comme de nuit.

Non, je n’en tire aucune conclusion. Je suis juste écoeurée. Pas étonnée. Ecoeurée.

Je garde mes racines siciliennes en souvenir de mon père. L’importance de ce qu’il m’a transmis, son héritage.

Je ne garde que cela. La «nonna», le «nonno», mon oncle, tous les autres ne représentent plus rien pour moi.

C’est triste d’en aboutir là. Je suis plutôt du genre à privilégier la communication, à œuvrer pour des solutions. Mais à force de pousser dans les orties…

Je crois toujours à la famille, à la solidarité qui en découle. Je continue dans cette direction. Avec d’autres personnes, simplement.

Balthazar, le lézard

Noir c'est noir, il n'y a plus d'espoir...

Etc, machin, bidule, ça foire...

Fluck !

La Ferme !

Il y a, multicouloir, les Fatals Picards!

:-)

Onirisme - petit manuel de mémoire

Nous rêvons tous, c’est une certitude. C’est même, selon de multiples études neurologiques, une nécessité.

Pourtant, qui n’a pas croisé une personne qui soutenait mordicus: «Moi, je ne rêve jamais!»? Plus proche de la réalité scientifique expérimentale serait d’affirmer: «Moi, je ne me souviens jamais de mes rêves!»

Certains ne se rappellent effectivement pas leurs rêves et le vivent aussi bien ainsi. C’est, comme dirait l’autre, leur choix. Pour ceux qui voudraient s’en souvenir et n’y parviennent pas, il existe une méthode très simple.

Mise en contexte: les rêves s’inscrivent exclusivement dans la mémoire à court terme. Une mémoire qui, ainsi que son nom l’indique, s’efface très rapidement – le cerveau effectuant un tri sélectif afin de ne pas surcharger la mémoire à long terme, dont la capacité, à l’image d’un disque dur d’ordinateur, n’est pas illimitée.

Pour contourner cette limite, il suffit de se livrer à l’exercice qui suit. Lorsque l’on se réveille, y compris quand c’est en sursaut, on a généralement des images très nettes, très précises, du rêve que l’on vient de faire. Plutôt que de se lever d’un bond – même s’il est l’heure de l’alarme – on choisira de rester couché quelques minutes supplémentaires. Et on se repassera le film du rêve en question. Ce faisant, on permet au vécu parallèle de passer de la mémoire à court terme à la mémoire à long terme. On le transforme, en quelque sorte, en souvenir durable. Histoire de le rappeler à l’envi à n’importe quel moment de la journée, de l’avenir.

Une technique qui ne concerne que ceux qui, comme moi, pensent qu’il y a un message, une leçon à tirer des voyages nocturnes. Des plus pour aider à l’évolution au quotidien. Des plus très concrets, rien à voir avec une éventuelle et charlatane Clé des Songes.

Pour les autres, ceux qui préfèrent dormir sur leur deux oreilles… et bien, qu’ils roupillent sur leur deux oreilles.

Bonne nuit, à eux, à tous.

10/27/2007

Amour

C’est une question que l’on a tous – que l’on va tous – poser un jour ou l’autre poser à ses parents – sa mère, son père, ceux qui en tiennent lieu éventuellement en l’absence d’évidence biologique.

«Comment est-ce que l’on sait qu’on est amoureux? Comment est-ce que l’on sait qu’on aime?»

Et la réponse variera certainement peu. En substance: «Quand tu rencontreras le bon/la bonne, tu le sentiras. Tu le sauras.»

Quarante ans durant, je me suis dit que c’était juste de la connerie. Que mes parents se préservaient comme ils le pouvaient parce qu’en réalité ils n’étaient sûrs de rien.

Dernièrement, un ami m’a écrit: «Je n’ai jamais rien compris aux relations humaines et encore moins aux relations avec les femmes. C’est vite vu, tout devient tellement compliqué quand on ne la fait pas comme je la sens et je n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi on ne veut toujours pas faire comme je la sens et je ne vois toujours pas pourquoi je devrais faire comme les autres la sentent!... Alors je vis seul, c’est plus simple, plus égoïste et moins chiant!»

En parfaite adéquation avec ce discours. Jusqu’à… il y a un peu plus d’une année. Jusqu’à ce que je rencontre…

Cela ne s’est pas fait du jour au lendemain. Il y encore du travail à deux en perspective. L’amour relève de l’idéal, c’est certain. Mais l’idéal n’est qu’une base, un trampoline, à partir duquel le couple, partage à deux, se construit.

Aujourd’hui, j’ai plus que jamais les pieds sur terre. Et c’est pour ça, précisément, parce que je suis lucide, que je sens, je sais, qu’il est le bon.

Personne ne maîtrise le futur, est-ce la peine de le préciser?

Le présent nous appartient, et nous avons envie, tous deux, d’y apporter le meilleur de nous-mêmes.

Sans aucun jugement par rapport à ceux qui ont choisi différemment. On leur souhaite juste l’entière réalisation de leur personnalité.

Pour moi, j’ai trouvé après m’être trouvée, après avoir trouvé ma voie. J’ai trouvé l’homme qui. Tout me porte à persévérer.

Amour. Mon amour.

Face Your Fear

Une des choses que j’apprécie, dans mon boulot, c’est que je travaille avec des jeunes. Du haut de mes quarante ans – parfaitement assumés, je n’ai aucun problème à prendre de l’âge – je fais quasiment figure de doyenne. Ce que j’apprécie, donc, c’est qu’ils me font découvrir des univers qui autrement me resteraient certainement inaccessibles – question d’âge, justement, et parce que je n’ai pas d’enfants. J’aime ça parce que cela va totalement dans le sens de mon insatiable curiosité qui, si j’en crois ce trait de caractère qui me vient de mon père, ne s’éteindra que lorsque je serai à mon tour six pieds sous terre. J’estime que c’est une grande chance, déjà pour mon métier de journaliste, et en général, dès lors que ça permet de ne pas s’encroûter l’esprit, de le garder ouvert.

Je me suis prise d’affection, il me semble réciproque, pour une ado qui œuvre en tant que stagiaire. Quasiment un quart de siècle nous sépare, pourtant cela ne nous empêche pas de tailler des bavettes. Cette charmante petite brunette tout de noir vêtue, discrète mais à la tendance rebelle, me rappelle moi quelque part… il y a un quart de siècle.

Dernièrement, elle m’a raconté qu’elle se réjouissait parce qu’elle allait bientôt assister au concert d’un groupe qu’elle adore. Angerfist. Anger quoi? Angerfist. Connais pas, jamais entendu parler. Du hardcore. Ah. Quelques minutes plus tard, je recevais par mail un lien YouTube. Une vidéo du groupe.

De la chie. Rien à voir avec «à chier». Dans mon jargon personnel, de la chie, c’est le truc qui déménage, qui troue, qui ouine, qui masse. Le truc qui chie, quoi! Si je dois exprimer une critique: j’ai beau être musicalement éclectique, ça ne m’a pas fait vibrer. En tout cas, je n’en écouterais pas chez moi sur mon iPod. Par contre, en concert, je peux comprendre. Jumpstyle toute la soirée – l’équivalent, si j'ose, de mon ancien pogo – et quand tu en ressors, tu es pété dans les largeurs. D’autant plus, ne soyons pas hypocrite, si tu as avalé quelques exta au passage. Malheureusement redondant, parce que c’est typiquement le genre de musique apte à mettre dans les transes même sans substance supplémentaire – comme tout style de musique d’ailleurs, pour peu que l’on soit réceptif. Enfin.

Aujourd’hui, comme je me tournais un tantinet les pouces au job, actualité du week-end oblige, je suis retournée sur YouTube, à la recherche d’autres morceaux d’Angerfist. Conclusion: non, décidément, rien pour moi. En revanche, j’ai flashé sur un, dont je place la vidéo ci-dessous. Flashé dans un sens très spécial. Je ne sais pas trop comment l’expliquer, mais j’ai immédiatement songé: «Pour tous ceux qui n’ont jamais éprouvé d’angoisses – tant mieux pour eux – et qui se demandent à quoi cela peut bien ressembler concrètement, c’est comme ça, exactement comme ça.» Des angoisses gratinées, je le concède, au marteau pilon. Et qui dans la réalité durent souvent, hélas, plus que cinq minutes. Peut-être que la thérapie exutoire du jumpstyle n’est pas plus mauvaise qu’une autre. Sans exta, toutefois.

Inutile d’attendre des précisions, je n’en ai aucune à fournir. Je voulais juste écrire un billet sur le sujet. Ce qui est fait.

10/25/2007

The unforgettable Fire

New Year's Day

Sunday bloody Sunday

Pride (In the Name of Love)

10/24/2007

Star Ac' vs U2

Les spécialistes du pipole nous annoncent cette année une Star Academy plus jeune et plus rock n’ roll. Vu que cela fait aussi partie de mon job, je me suis penchée mardi soir sur le début de la 7e édition et la présentation des candidats – délaissant au passage un très ennuyeux Glasgow Rangers – Barcelone en Ligue des Champions de football.

Que dire? Sur le fond, pas grand-chose. Je ne suis pas du genre à dégueuler avec a priori sur ces émissions. Les mecs et nanas qui y participent ont raison, selon moi, d’essayer de réaliser leur rêve et d’utiliser à leur profit toutes les interfaces médiatiques. C’est de bonne guerre. Espérant juste qu’ils ont les pieds fermement ancrés au sol, que leur tête est solidement pragmatique et qu’ils sont suffisamment encadrés pour ne pas perdre les pédales si d’aventure leur gloire perdure ou doit stopper après les quinze minutes réglementaires. Les bébés requins ont les dents longues. Mais les requins seniors ont plus d’une dent dans leur sac.

Sur la forme. Rien à dire non plus. Candidats lambda, parfaits pour entrer dans le moule. Massacrant allégrement tant le répertoire français qu’outre-Atlantique. Dans l’ensemble, je me suis bien marrée. Jusqu’à ce que…

Lucie, 17 ans, rockeuse qui adore les têtes de mort, interprétant en duo avec je ne sais plus quelle autre candidate «Pride / In the Name of Love» de U2 . Là, j’ai dressé l’oreille. Curieuse. Puis très vite déçue. Puis très vite en colère.

Purée! Que l’on lamine n’importe qui! Mais pas les groupes mythiques qui font partie de mon historique! Aurais voulu lui gueuler: «Hé, la miquette, t’as rien pigé! C’est pas parce que tu hurles dans ton micro que t’es rock!» Comme c’était matériellement impossible, je me suis rabattue sur YouTube, me suis refais la version originale. Et d’autres vidéos encore du quatuor irlandais.

Non que je sois musicalement perfectionniste – la technique, c’est une chose, l’âme, c’en est une autre. U2 est loin d’être parfait. Hormis peut-être le guitariste, The Edge, dont le son spécifique atteint au sublime. Sinon, la basse et la batterie sont classiquement carrées et Bono chante plus souvent qu’à son tour à la limite de la fausseté. Mais ce groupe a une personnalité, réelle, tangible, tripale.

Une personnalité qui manquait cruellement à l’interprétation de Lucie et Cie mardi soir.

Ai-je dit que je n’avais aucune critique de fond à formuler contre la Star Ac’ et ses émissions jumelles? Une toute petite critique, peut-être. On a beaucoup parlé de mouton noir dernièrement en Suisse. Là, c’est tout le contraire. Les moutons sont incolores, inodores. En totale adéquation avec les moutons devant leur poste.

Compte à rebours bis

La grande difficulté d’un deuil, outre bien évidemment le chagrin, c’est qu’il n’est pas linéaire. On ne part pas d’un point A pour aboutir à un point B par un tracé prédéfini. On avance un bout, on recule, on avance, on stagne, on recule, on avance. Tout ce que l’on peut se dire pour se rassurer, c’est que malgré tout on avance, chacun selon son rythme personnel, vers l’apaisement.

La première année est réputée pour être très difficile, d’autant plus dans les périodes symboliquement marquées. La période actuelle, en ce qui concerne mon père, est symboliquement marquée. Il y a une année de cela, il et nous étions en plein dedans. Il venait de recevoir le diagnostic de la biopsie, se préparait à subir une très lourde opération au CHUV.

Je me souviens que dans les derniers jours, lorsqu’il était déjà à l’agonie, j’avais demandé à ce qu’on lui retire sa montre, parce que je ne supportais plus le tic-tac de la trotteuse, qui me rappelait trop crûment qu’il avait entamé son dernier compte à rebours. Ce compte à rebours, je (nous – la famille) le revis maintenant, avec le poids supplémentaire d’un « déjà-vu », d’une conscience autrement plus nette que celle d’alors, quand nous étions tous quelque part anesthésiés par le tourbillon. Un compte à rebours qui devrait trouver son apex le 15 janvier, le jour de sa mort. Tout ne sera pas résolu ensuite, mais nous aurons certainement franchi une étape sur le chemin de l’apaisement.

Je vais bien, ma vie va bien. Mais je ne peux empêcher que mon esprit m’y ramène. Ni ne veux. C’est part d’un travail nécessaire qu’il me faut accomplir. Etant quelqu’un qui rêve beaucoup, se rappelle beaucoup ses rêves, cela se manifeste chez moi essentiellement sous la forme onirique. De cauchemars, en l’occurrence. Bien que les endroits et les situations diffèrent, ceux de ces derniers temps ont tous un scénario identique.

J’ai hésité à en raconter un sur ce blog. Puis je me suis dit que j’avais envie de le faire, pour moi d’abord, mais aussi parce que cela fait partie de l’existence, que nous y sommes tous confrontés un jour ou l’autre, et que j’estime que les tabous n’ont jamais aidé à l’avancement du schmilblick.

Voici donc mon cauchemar de la nuit dernière.

Et promis: dès que je referai à nouveau de beaux rêves de mon papa, qui me manque tellement, j’en raconterai un aussi.

"""
Nous sommes à Peseux, près de Neuchâtel, dans la maison où j'ai grandi. Mes parents sont au salon. Je les observe discrètement du pas de la porte. Ils se disputent. Mon père a un visage des mauvais jours. Son humeur semble fracassante, mais je sais qu’en réalité il souffre, parce qu’il ne cesse de grimacer. C’est comme si je pouvais lire dans son esprit: il est enfermé avec sa douleur, il se sent seul et incompris. La situation me terrorise, parce que je devine sans fard ce qu’elle signifie. Alors qu’il était déjà à l’agonie, une inattendue et quasi miraculeuse rémission lui a permis de vivre normalement durant de nombreux mois. Aucune trace de son cancer, rien. Si maintenant il rechute, c’est que la maladie est revenue, et en force. C’est qu’il est foutu. Il va falloir revivre ces longs mois où son état empire, jusqu’à une nouvelle agonie, et à la mort, cette fois.

Tandis que je pense à tout ça, ma mère quitte brusquement le salon. Mon père suit peu après. Sans nous jeter un coup d'oeil, il va vers la cuisine. Il marche comme un vieillard, perclus de souffrance, dans un pyjama dix fois trop grand pour lui qui ressemble à l’uniforme rayé des détenus de camps de concentration. Ne cesse de marmonner une phrase que je ne comprends pas. Je demande à ma mère ce qui lui arrive. Elle me réponds, manifestement en colère: «Il est en phase dépressive.»

Je me lance à la poursuite de mon père, afin de savoir si je peux faire quelque chose pour lui. Comme je me rapproche, j’entends finalement les mots qu’il répète sans arrêt, telle une litanie: «Le dépôt de mes armes, le dépôt de mes armes, le dépôt de mes armes…» Mon sang se glace. Il a décidé de laisser tomber. A l’instant même où cette prise de conscience me transperce, je vois qu’il a ouvert la fenêtre de la cuisine et qu’il est monté sur le rebord. Qu'il vague, en déséquilibre, vers le vide.

En totale panique, je me retourne pour appeler ma mère. Je lui crie de faire quelque chose, il va se suicider. Complètement paralysée, elle ne bronche pas. Alors je me rue vers mon père, m’arrête à quelques pas de lui. Dans la maison d’en face, au deuxième étage, je vois ma grand-mère maternelle (morte en 2000) scruter la scène avec curiosité. Je lui fais de grands gestes désespérés, essaie de lui expliquer avec des signes, un pouce vers l’oreille un index vers la bouche, qu’il faut qu’elle appelle la police. Sans succès. Elle ne bouge pas.

Finalement, j’en appelle à mon père. «Papa…» Ma voix est à peine plus qu’un croassement chuchoté. Il se tourne vers moi. La douleur a disparu de ses traits, de son regard, de son corps. Il se tient droit, me regarde clair. «Ecoute-moi bien…». Avant même qu’il ne poursuive, je comprends que c’est fini. Quoi que je puisse dire, quoi que je puisse tenter pour le retenir, il va sauter.

Et je me réveille d'un bond.

Exclusif: le dernier clip en date de l’UDC

Ceux qui surfent régulièrement sur le net me rétorqueront que cette vidéo circule depuis quasi des siècles.

True. So what?

/Traduction (approximative) pour ne pas heurter nos sensibilités nationales:

«C’est sûr. Mais quel est le problème?»
«Stimmt. Und so?»
«È vero. Comunque…»/

La vidéo est moisie, a largement dépassé le Migros-data.

Certes… Le propre d’une bonne publicité étant d’être immortelle, celle-ci ne fait pas défaut.

Totalement en phase avec l’Union démocratique du centre.

Où le «démocratique» et le «centre» s’effacent pour ne laisser place qu’à une «union» avec une détestable majuscule.

Trip des tripes

Le 21 octobre, 30% de mes compatriotes ont estimé que l’UDC était le parti le plus crédible de Suisse.

En matière de marketing, ils ne se sont pas trompés.

L’UDC «a tout compris», jugent Marc Comina et Louis Perron, conseillers en communication à Lausanne et à Zurich, interrogés par l’ATS.

«Dans un système politique comme le nôtre, où le but n’est pas de recueillir 51% des voix, le b-a.ba est de mobiliser un maximum d'électeurs et non une majorité», souligne d'emblée Marc Comina. Et actuellement «seule l'UDC a compris cette règle du jeu: elle fait tout pour obtenir le soutien de 30% des électeurs et se moque d'en avoir 70% contre elle».

L'UDC n'a pas peur de ne mobiliser que ses électeurs et de faire fuir les autres, renchérit Louis Perron. Ses responsables connaissent parfaitement leur groupe cible et comment l'atteindre. Le parti peut se contenter de slogans simplificateurs, selon M. Comina.

«On a assisté à la campagne la plus chère, la plus émotionnelle et la meilleure jamais menée en Suisse», affirme M. Perron.

Un constat déprimant si on en tire la leçon que les partis adversaires devraient s’aligner pour espérer faire le poids. Je ne parle pas de l’aspect financier – l’UDC a certes dépensé 15 millions de francs pour sa campagne, plus que tous les autres partis réunis. Mais ce ne saurait être un argument, dès lors que les Verts, de leur côté, ont réussi une belle percée avec un budget minime. Non, je parle de l’aspect émotionnel: les partis vont-ils devoir renoncer à leur attachement au contenu du programme pour privilégier la forme superficielle qui frappe les esprits ?

Il y a du travail en perspective. Il va falloir bosser la communication et le marketing. Sans abandonner pour autant le message de fond.

Ces quatre dernières années de législature l’ont prouvé: la population suisse vote massivement UDC en période électorale, mais fait preuve de plus de retenue - voire dans certains cas de pragmatisme - lors des votations.

Pas de quoi roupiller en paix. C’est juste un espoir basé sur des faits. Du boulot, oui, en perspective.

En marketing, en communication. Et en descente sur le terrain.

Rien à attendre du Parti socialiste, qui comme prévu se rejette entre ailes syndicaliste et "bobos" la patate chaude de la défaite – à l’instar d’autres socio-démocrates en Europe – ou tape stérilement sur la droite diabolisée dans son ensemble. A voir si les Radicaux persistent à céder aux sirènes de l’UDC ou s’ils se recentrent. A voir comment le PDC va gérer sa meilleure santé. Et ce que les Verts vont faire de leur entrée sur la place publique.

En politique comme culinairement, je n’ai jamais aimé les tripes. Mon tout petit choix civique continuera donc à défendre ceux qui sauront me proposer un plat à base de cervelle.

L'argent n'a pas d'odeur

Dans mon billet précédent, je cite par la bande ce dicton célébrissime. En tant que journaliste patentée, je connais parfaitement sa signification. Comme sûrement d’innombrables autres corps de métier.

D’où nous vient cette phrase où tant se reconnaissent?

J’ai toujours pensé que l’invention de l’argent avait été une des pires conneries de l’Humanité – cette notion abstraite qui nous a rendus esclaves du travail, jusqu’à y puiser une justification de notre identité. Au point, et c’est l’apex, qu’aujourd’hui une personne qui se retrouve au chômage peut en arriver à se suicider parce qu’elle se sent pire qu’une moins que rien. Au point que certains qui voient cette personnes au chômage en arrivent à songer que c’est sûrement de sa faute, parce que chez elle quelque chose ne tourne pas rond.

Tout job est bon à prendre, parce qu’à la fin du mois l’argent n’a pas d’odeur.

L’origine de cette expression?

Au bout de la ligne, la vespasienne. Un WC public où les hommes peuvent pisser debout. Les chiottes publiques, quoi.

Au début de la ligne, l’empereur romain Vespasien, qui a régné de 9 avant JC à 79 après JC.

L’inventeur, comme son nom l’indique, de la vespasienne. En vue de collecter l’urine, utilisée par les teinturiers et les blanchisseurs. Y ajoutant un impôt, les premières vespasiennes étant payantes. Chambré pour ces économies de bout de chandelles, il aurait répondu: «Pecunia non olet». L’argent n’a pas d’odeur.

CQFD.

Je ne sais pas ce que cela démontre, mais il y a peut-être de quoi réfléchir.

Merde alors!

Deux ans de stage dans la principale agence de presse du pays. Rotation dans toutes les rubriques – suisse, économie, étranger, online. Deux ans de cours et travaux pratiques au Centre romand de formation des journalistes. Examen. Certificat avec maturité. Treize ans d’expérience professionnelle.

Et aujourd’hui, au boulot, le sentiment que cet apprentissage paie enfin.

En début de soirée, on vient me dire qu’on m’a envoyé des photos pour un diaporama, en lien avec une nouvelle concernant Genève. Ok. Sur quel sujet, le diaporama? Les crottes de chien.



Les crottes de chien. On veut que je fasse un diaporama sur les crottes de chien.

Les crottes de chien? Quel est le thème de la news genevoise? La voirie en évacue deux tonnes chaque jour. Ah, d’accord, il y a une certaine logique – une logique certaine.

Je me mets aussitôt à la tâche. Enregistre consciencieusement chaque photo, sans vraiment les voir, en pilote automatique, prépare mon diapo. Puis, au moment de lui donner un intitulé, je bloque.

«La crotte de chien dans tous ses états»? «Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les crottes de chien»? «Photos de crottes de chien: regardez-les, paraît que ça porte bonheur quand on pile dedans»?

J’ai beau me creuser, je ne parviens pas à trouver un titre. Alors je reprends les clichés. Je les regarde, cette fois. Et je me braque. Je suis responsable du site internet en cette soirée, je ne vais QUAND MÊME pas publier un diaporama sur les crottes de chien!!!

M’en vais de ce pas discuter avec un type de la production. «Dis, le diapo sur les merdes de chien, c’est vraiment nécessaire? Franchement?» De me répondre: «Ah, ben oui, quoi, c’est rigolo!»

Perplexe, je rejoins ma place. Avec de sérieux doutes quant à mon sens de l’humour. Je tente encore une fois les photos, j’ai peut-être survolé trop rapidement. Rigolo? Ce n’est pas exactement le mot qui me vient à l’esprit. Pourtant, je ne crois pas avoir un parapluie dans le luc. Ou si? Je passe quelques minutes de plus à chercher un titre. Sans succès.

M’en vais voir le rédacteur en chef adjoint, pour demander un arbitrage. «Un diaporama est censé apporter une plus-value à une nouvelle écrite. Et là, sincèrement, j’avoue que la plus-value me reste obscure.»

A son tour, le rédacteur en chef adjoint s’en va discuter avec les gens de la production. Revient vers moi peu après. «On fait le diaporama. La majorité semble trouver que c’est amusant. Et moi, en cas de doute, je me fie toujours à la majorité.»

En bonne Suisse habituée à me plier au choix du souverain, je m’exécute. Non sans une pensée pour les Helvètes qui ont décidé, en ce dimanche électoral, que les crottes de chien… pardon, l’UDC… était la plus rigolote… pardon, la plus crédible. Non sans me dire que je suis très contente d’appartenir à la minorité sur ce coup-là. Non sans m’ajouter que vivement qu’il y ait la possibilité de liens olfactifs sur le net, histoire de se marrer plus.

Un diaporama, quelques digressions et une tentation d’élaborer une statistique sur la fixation au stade anal-caca-popo plus tard, je me suis reposée sur les lauriers du devoir accompli.

Après tout, à la fin du mois, quand tombent les pépettes, elles n’ont pas d’odeur.

10/18/2007

Les histoires d'amour finissent mal... en général...

C’est officiel. Après des semaines de rumeurs, Nicolas et Cécilia Sarkozy ont fait savoir qu’ils ont décidé de se séparer, d’un mutuel consentement.

Depuis le début de l’après-midi, les réactions vont bon train. J’en ai lu de toutes sortes. En substance: de la joie mauvaise à la banalisation vulgaire, en passant par de hauts cris à la manipulation.

Il y aurait de quoi analyser, décortiquer, politiser. Ce soir, je n’en ai pas envie. D’ailleurs d’autres s’en chargent très bien.

Ce soir, j’ai le (verdana) blues. A l’image de ce commentaire sur le net, le seul qui se démarquait vraiment. Pour un soir, j’abandonne ma panoplie de journaliste à la carapace blindée. Je redeviens Mafalda, à l’âme fleur bleue, hypersensible, qui lui a valu ce surnom de son papa.

A l’image, oui, de ce commentaire:

«C’est toujours très triste, une histoire d’amour qui se termine. Surtout en automne. Les regrets se ramassent à la pelle. Et le soleil brille moins fort. Et, le soir venu, la tristesse s’accroche aux deux amants désunis…»

Oui. Ce n’est plus Sarko et Cécilia, alors. C’est X et Y. C’est moi et lui. Lui et moi.

Un truc très bizarre, entre l’empathie et la projection – entre l’ouverture et le nombrilisme.

Un truc qui s’écrit aussi: «Dis-moi ce que tu en tires, je te dirai où tu en es.»

Tout spécialement pour Mél

Avertissement: la vidéo qui suit peut gravement nuire à la santé.

Le look, la gestuelle, l'excellence du play-back...

Perso, j'ai failli crever de rire.

10/17/2007

Trou de mémoire

Le truc du moment, chez certains ados – ou plutôt pré-ados, à 99% des miquettes, pour ainsi dire… - c’est Tokio Hotel.

Un groupe de quatre – oulà, j’espère que je ne me gourre pas… - Allemands un tantinet plus âgés. Ados, quoi. Des jumeaux, un au chant, un à la guitare – leurs prénoms et noms… heu… - un bassiste et un batteur. Genre musical : pop-rock (si cela signifie quelque chose…). Carton immédiat. Un de leur plus grands tubs : «Durch den Monsun» - littéralement «A travers la mousson».

Deux particularités à ce succès planétaire. D’abord le chanteur arbore un look androgyne qui semble titiller à fond nos dites miquettes – encore qu’il ne soit pas le premier d’une longue série. Ensuite le groupe chante en allemand. Ce qui a provoqué, et ce n’est pas piqué des vers, un regain d’intérêt des collégiennes (collégiens?) de tous pays pour la langue de Goethe.

Tokio Hotel est un phénomène. Quant à savoir s’il tiendra la durée, c’est une autre question… Ce qui m’a interpellée, ce matin même, tandis que j’avais en main un journal helvétique qui leur consacrait sa première page, c’est ma réaction.

Ha, ha – ai-je d’abord ricané – ces nanas, ces ados ou pré-ados, ces jeunes, ils sont vraiment ridicules! J’avais en tête des images de TV et de net, une hystérie collective, où l’on crie comme des poulets à l’égorgement, où l’on téléphone à sa mère pour lui dire «Maman, il a touché ma main, c’est le plus beau jour de ma vie!», où l’on s’effondre en pleurs d’émotion, où l’on s’évanouit. De quoi ricaner, n’est-ce pas?

Puis, en un flash, je me suis souvenue de… moi. Quelque part dans les années 80. L’époque où je scrutais Sky Channel avec ma frangine au beau milieu de la nuit, à 5 centimètres du poste TV pour ne pas réveiller les parents. Parce que U2 participait à un concert mondial et que, même en cas de peine de mort, nous ne pouvions manquer ça. L’époque où, toujours avec ma sœur, nous nous étions rendues à un concert, bien réel celui-là, du groupe irlandais au stade St-Jakob de Bâle. Habillées de pied en cap, avec notamment des T-shirt marqués au coin. Connaissant les morceaux plus que sur le bout des doigts. Par cœur. Prêtes à hurler. Hurlant. Et les parents, qui nous avaient fait la grâce de nous amener et qui avaient passé la journée au zoo. Avant de goûter les dernières gouttes de ce qui nous avait mises en transe. Ne disant rien par la suite, mais songeant peut-être que nous étions… ridicules…

Je me suis rappelée tout ça et, franchement, je me suis prise d’affection pour toutes celles/tous ceux qui se pâment devant Tokio Hotel.

Le devoir de mémoire ne s’applique pas qu’aux choses prétendues «sérieuses». Le devoir de mémoire, c’est ce qui contribue à nous construire ici et maintenant. Avec les nouvelles générations. Si on l’oublie, on est plus que mort.

Qui aime bien...

... châtie bien.

On parle de plus en plus de la violence conjugale, et c’est tant mieux. Même s’il reste beaucoup à faire pour briser le credo du «chacun mène sa vie comme il l’entend en privé». Le voile se lève peu à peu sur le tabou, mais de nombreuses zones d’ombre demeurent. Quid par exemple de la violence de certaines femmes envers leurs hommes? On n’en dit rien, ou quasiment. Voilà pourtant un sujet qui mériterait d’être creusé. Ou encore, et là sera mon propos: violence, certes, mais de quel type? Comment ça, «de quel type»? Lorsqu’on évoque la violence conjugale, on imagine généralement soit la violence physique, soit la violence sexuelle. Or il en existe deux autres genres, tout aussi dangereux:

La violence psychologique
La violence verbale

Allons allons, va-t-on me rétorquer, il ne faut pas mélanger les torchons et les serviettes. Il faut faire preuve de mesure. Relativiser.

Sauf que non, il ne faut pas relativiser. Pas faire preuve de mesure. Parce que ces torchons et ces serviettes se mélangent fort bien.

Primo: ces quatre types de violence sont liés. Un agresseur pratiquant les violences physique/sexuelle pratique systématiquement aussi les violences psychologique/verbale. A préciser que tout agresseur pratiquant les violences psychologique/verbale ne finira pas forcément agresseur physique/sexuel.

Deuzio: les violences psychologique/verbale laissent autant de traces aux conséquences néfastes que les violences physique/sexuelle. Les bleus ne sont pas corporels, mais les bleus spirituels se révèlent également nocifs, d’autant plus peut-être qu’ils sont difficiles à faire comprendre. Ce que je veux dire par là? Dans notre société, on obtient sans suspicion un arrêt de travail parce que l’on s’est cassé une jambe. Il en va autrement si l’on souffre d’une dépression. D’une souffrance psychique. La souffrance psychique, c’est quoi? Est-ce qu’il/elle ne s’écoute pas trop? Si il/elle se foutait un coup de pied quelque part, si il/elle se regardait moins le nombril…

Les violences psychologique/verbale provoquent une souffrance psychique intense, qui ne doit pas être négligée.

Tentative de définition.

La violence psychologique (la plus méconnue):
• est liée à la violence verbale
• a pour effet de dénigrer le/la partenaire dans sa valeur en tant qu’individu
• → cruauté mentale, bouderie interminable, etc…

La violence verbale (la plus oubliée):
• emploi d’un langage grossier et injuriant
• usage de railleries (mauvaises plaisanteries), critiques ou propos humiliants, interdictions exagérées, insultes et/ou menaces.

A noter que l’évolution des phases pour les personnes concernées suit le même rythme que les stades violences physique/sexuelle, à savoir:

Lune de miel -→ escalade de la tension -→ épisode violent -→ rémission -→ réconciliation -→ lune de miel… Plus le temps passe, plus les lunes de miel sont courtes, plus les épisodes sont violents.

A noter aussi que la souffrance psychique n’est pas seulement celle de la «victime», elle est au même titre celle du «bourreau». Et que les rôles de «victime/bourreau» peuvent s’interchanger, au sein d’une relation unique, ou lors de relations successives.

Une chose est sûre: tant que l’on ne brise pas le cercle infernal, il se répète encore et encore, que ce soit avec un/une partenaire identique ou avec des partenaires différents. Aboutissant, dans certains cas extrêmes, au meurtre ou au suicide, voire les deux.

L’unique solution, tant pour le «bourreau» que pour la «victime», est de chercher à comprendre comment et pourquoi s’est développé un terreau si «fertile». Ensemble ou non. Mais certainement pas sans aide professionnelle: un cercle si vicieux ne saurait se démanteler tout seul. Sans une démarche concrète de changement.

La violence conjugale, on en parle et c’est bien. Mais on pourrait dire encore… bien des choses en somme.

10/16/2007

Samson et Dalila

Ma moitié d’origines italiennes m’a valu d’être élevée dans la tradition de la religion catholique. A partir de l’adolescence, j’ai plutôt eu le sentiment d’avoir été gavée. Aujourd’hui, dès lors que je n’ai conservé aucune croyance, je me dis que c’est un atout supplémentaire pour mieux appréhender la société judéo-chrétienne dans laquelle j’évolue.

La légende de Samson et Dalila rappellera des souvenirs à tous ceux qui ont eu à suivre – ou subir, c’est selon – des leçons de catéchisme. Pour les autres, je résume.

La Bible. Ancien Testament. Samson est un héros du peuple d’Israël. Un super héros. Rien ne lui résiste, il écrase tout sur son passage. Parce que, ha ha, il a un secret. Le secret de sa force, que personne ne connaît, qu’il n’a jamais révélé. Les princes philistins, ennemis jurés d’Israël, qui en ont marre de se prendre systématiquement la pâtée, imaginent un stratagème pernicieux afin de piéger le Rambo de son époque. Et quelle est la principale faiblesse de l’homme, sinon la femme ? Ils appellent leur canon-maison à la rescousse. La splendide Dalila. Lui promettent, si elle parvient à découvrir le secret de Samson, une récompense digne d’une reine.

Dalila accepte. Rien à voir avec une Lara Croft. Elle sait qu’elle n’a aucune chance si elle affronte Samson sur son terrain. Dans le genre Mata Hari, elle va lui tendre un piège. Se pavanant, se tortillant de ses avantageuses formes, roucoulant, elle fait en sorte qu’il tombe raide dingue. Et ça marche.

Passant à la vitesse supérieure, elle lui tient à peu près ce langage:

«Et bonjour, Monsieur le héros!
Que vous êtes joli! Que vous me semblez beau!»

Ajoutant que sans mentir, vu que son musclage se rapporte à l’adage, il est le phénix des hôtes, etc.

A ces mots, Samson ne se sent pas de joie.

Mais bon, quand même, faut pas pousser. Il refuse de révéler son secret. Une première fois. Une deuxième. Il tient ferme, le bougre, n’est pas héros de son peuple pour rien.

A la troisième tentative de la belle, il cède. Bon, quand même, faut pas pousser! Héros, héros, c’est vite dit, on n’en reste pas moins homme!

Le secret de sa force, avoue-t-il entre deux souffles échevelés... Le secret de sa force réside dans ses cheveux. Plus ils sont longs, plus il est puissant.

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L’immonde traîtresse, ayant pris son pied… heu, l’immonde traîtresse, dès que son amant s’est endormi du sommeil du juste, s’empresse de rapporter aux Philistins, et s’en revient par la suite, pourvue d’une paire de ciseaux, couper les cheveux de Samson.

Les histoires d’amour finissent mal, en général. Les Philistins se jettent sur son râble, l’enchaînent aux piliers de leur temple. Entre-temps, vu qu’il a choisi

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ses cheveux ont déjà repoussé. Il se suicide, à la gloire de son dieu, écrabouillant la majorité des ennemis et cette salope qui était si jalouse de ses boucles parfaites, elle qui se trimballait une tignasse raide et grasse percluse de pellicules. Parce qu’elle n’avait pas choisi

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Enfin, tout ça pour dire que cet après-midi je suis allée chez le coiffeur. C’est Enzo qui m’a débroussaillée. Et bizarrement, même si j’en suis repartie sans tresses ni autres, j’ai plutôt eu le sentiment que la force m’était revenue. Sans doute en toute renégate qui se respecte. Ou peut-être parce que L’Oréal.

10/15/2007

De monstre à monstres

Je suppose que tous connaissent le dicton selon lequel «l’érotisme des uns est la pornographie des autres».

Hors domaine exclusif de la sexualité, ou en tout cas de façon plus globale, cela me rappelle une BD qui m’a marquée durant mon enfance.

Je devais avoir une dizaine d’années. En vacances chez mes grands-parents en Sicile. Autant l’avouer, je m’ennuyais assez ferme dans ce monde d’adultes que je ressentais principalement comme des obligations – mes copines me manquaient, je me réjouissais de la rentrée, y compris de la reprise de l’école, où je me sentais plus à l’aise que dans le milieu familial. Je m’emmerdais, oui, et c’était gratiné. M’emmerdais au point où je me suis mise à fouiller. Lorsque la troupe, par exemple, s’en allait au marché du village et que je prétextais n’importe quoi pour rester seule. A mettre mon nez partout. Dans les tiroirs de la «nonna» - bof, rien de très intéressant entre les gaines et soutien-gorge renforcés. Dans les tiroirs du «nonno» - slips kangourou pareils à ceux de mon père, rien de très titillant. Dans les tiroirs de la cuisine – mille et une herbes, mille et une casseroles, de quoi affoler mon appétit, mais pas de quoi affoler mes sens. Dans les tiroirs de la salle de bains – des machins, des bidules, j’étais trop jeune alors pour comprendre l’attrait ambigu des drogues.

Jusqu’à ce que je tombe sur une collection de mon grand-père. Je ne l’avais pas cherchée, il n’y avait même pas à la chercher. Elle était rangée, proprement, dans le meuble qui soutenait la TV. BD basique, en format poche, noir et blanc. Réalisation vulgaire, sans aucune tentative artistique. Je m’en foutais. Ce qui a retenu mon attention, c’était les histoires. Une histoire en particulier.

Un jeune garçon, à peu près de mon âge selon les dessins, se promenait dans sa ville. En plein cauchemar. Tous les gens qu’il croisait étaient des monstres. Visages dignes d’extra-terrestres les plus inhumains. Tous d’une autre planète, totalement non réceptifs à ses tentatives de communication. Tous totalement non réceptifs à ses demandes d’aide. Il marchait, de plus en plus désespéré. Les larmes aux yeux, les larmes sur les joues. Les larmes.

On se demandait, je me demandais, comment et pourquoi il s’était trouvé catapulté dans un tel monde d’horreur. On avait envie, je me sentais l’envie, de compatir avec lui. Empathie. Sauf qu’au final, le cauchemar était encore plus cauchemardesque.

A la dernière case de la BD, on comprenait que le monstre, c’était lui. Couché dans un lit d’hôpital, avec une face d’Elephant Man. C’était lui, le monstre, sur lequel des infirmières se penchaient. Lui qui fantasmait un monde où il serait «normal» face à des «anormaux».

Sur le moment, je n’ai pas pensé tout cela aussi clairement – je n’avais que dix ans, après tout – mais cela m’a marquée. Cela m’est resté, par la suite. Aujourd’hui encore. Une réflexion sur la «normalité», dans son extension sur la «norme». Et sur ce que suppose réellement l’ouverture d’esprit, l’ouverture à l’autre. L’acceptation de la différence.

Un thème plus que jamais, même s’il n’est pas nouveau, d’actualité.

10/14/2007

Cocoricarghl !

Mouaaarf! Morte de rire!

Schadenfreude. Un mot allemand intraduisible en français, que l’on pourrait littéralement transposer en «se réjouir du malheur des autres».

Petit, mesquin, en dessous de la ceinture? Oui, je le reconnais. Mais j’avoue aussi que c’est ce que j’ai ressenti hier soir suite à la demi-finale de Coupe du monde de rugby entre la France et l’Angleterre.

Précisons: je n’ai rien contre le XV français, dont je respecte les joueurs et l’équipe. Pourtant je me suis réjouie de leur défaite – sans doute encore plus que de la victoire du XV à la Rose.

Alors quoi? Est-ce que je souffre d’un syndrome romand minoritaire bien connu, qui consiste à honnir le grand frère de l’Hexagone? De la même manière que les Alémaniques honnissent l’Allemagne et les Tessinois l’Italie? C’est possible, je ne le nie pas.

A analyser un peu plus, ce qui me dérange, chez les Français, c’est leur manque d’humilité. Discutant avec un mangeur de grenouilles dernièrement, je me suis entendu dire que le chauvinisme était semblable dans tous les pays. Oui… mais non.

Je vais avoir de la peine à exposer mon point de vue, tant il relève du ressenti. Comment dire… Ces derniers jours, depuis que les Bleus ont battu les All Blacks, j’ai retrouvé une ambiance équivalente à celle qui précédait la Coupe du monde de football 2002. Une forme d’arrogance. De grand-gueulisme. Il est évident qu’en sport, quel que soit le sport, on descend toujours sur le terrain pour gagner. Mais il y a aussi la manière, et ça, je crois que les Français ne l’ont pas compris, ne le comprendront peut-être jamais.

Je ne parle pas des joueurs, de l’équipe – mais bien de tous ceux qui les entourent mal à propos. De tous ceux qui leur mettent une pression quasi royaliste sur le dos. De tous ceux qui ne parviennent pas à appréhender que l’esprit de gagne est un paramètre essentiel, mais qu’il n’est rien sans l’esprit humble qui l’accompagne.

Et les voisins français s’étonnent de ce phénomène. Ils se posent en victimes – glorieuses – de l’incompréhension planétaire. Ne se remettent pas en question. En rugby ou dans n’importe quel domaine.

Arrive ensuite ce qui est arrivé hier soir.

10/13/2007

Smartvote

Connaissez-vous smartvote.ch? Ce petit outil fort sympathique vous aide à voir quels sont les candidats ou les listes les plus proches de vos idées en vue des élections fédérales. On peut choisir entre un questionnaire «light» et un questionnaire plus «pointu» sur tous les domaines que les parlementaires seront amenés à traiter durant la prochaine législation, et ce tant pour l’élection au Conseil national qu’au Conseil des Etats.

Je viens de me livrer à l’exercice, sur la base du questionnaire «pointu». Résultats: comme je l’imaginais, la personnalité avec laquelle je suis le plus en phase est Jacques Neirynck (PDC). Idem pour les listes. Ce que ces résultats me disent également, à regarder de plus près l’analyse, c’est que je vote «trop» à droite dans certains domaines pour être d’accord avec une certaine gauche, et «trop» à gauche dans certains domaines pour être d’accord avec une certaine droite.

Conclusion 1: comme cela se dessinait progressivement dans mon esprit ces dernières semaines, je vais voter PDC, pour les Etats (avec un bémol: le côté dinosaure - Neirynck est né en 1931 - me chiffonne un peu...) et pour le National.

Conclusion 2: il est évident que cet outil n’est pas une panacée censée décider à la place de l’électeur – notamment parce que n’y sont enregistrés que les candidats qui ont accepté de répondre aux questionnaires. A notre quand même que la représentation en Romandie est assez élevée – c’est plutôt dans les mini-cantons à l’autre bout de la Suisse que ça pêche. Ce sont des pistes de décision, pas la décision civique en soi.

Conclusion 3: un clin d’œil à kouroukou. Pour l’élection au Conseil des Etats, il semblerait que je sois très proche également de… Luc Recordon (Les Verts). De quoi apprendre, pour les jours qui restent, à connaître un peu mieux le personnage. Et réfléchir à un éventuel panachage.

10/12/2007

Fille de la douleur

Il y a quelques mois de ça, j’ai ressenti l’envie de recommencer le sport. Pas tant pour la santé que cela procure – je ne suis pas, à l’image de certains Américains, obsédée par l’idée de mourir en bonne forme. Je ne suis pas naïve au point de croire à ce leurre. Mais plutôt pour atteindre à un style de liberté – hors toutes substances, quelle que soit la substance. Connaissant mes faiblesses en matière de discipline, même si l’envie y est, j’ai fait appel à un coach.

J’y ai trouvé mon compte, mais je me suis heurtée à l’incompréhension d’une partie de mon entourage. «Si tu dois empoigner le taureau par les cornes», m’ont-ils dit, «empoigne le taureau seule, tu n’as pas besoin d’intermédiaire!». Tu n’as pas besoin de déléguer. J’ai beau leur répondre que déléguer, demander l’aide d’un coach, ne signifie pas que je suis une assistée. Ne signifie pas que je recule pour mieux sauter. Qu’au contraire je me confronte à mes faiblesses au jour le jour, et que mon objectif primordial est d’aller de l’avant. Si possible, certainement, avec ceux qui me sont chers.

Donc mon coach m’est d’une aide essentielle. Mais il m’arrive, aussi, parfois, de me demander si je n’aurais pas besoin du soutien d’un linguiste patenté. Je ne doute pas du lien qui me lie à ceux auxquels je tiens. Sauf que je constate, aussi, parfois, que nous ne parlons pas la même langue. Faut-il dès lors «donner des preuves»? S’il y a une phrase qui m’a toujours horripilée, depuis ma prime enfance, c’est bien celle-ci: «Il n’y a pas d’amour, il n’existe que des preuves d’amour».

Sauf que moi, je crois à l’amour vrai. Sans condition, qui ne juge pas, tolérant, ouvert, quitte à chercher à deux des concessions. Et quitte à ce que cela doive passer, pour certains, par un coach.

La fin justifie les moyens? Sûrement pas. Mais la fin que l’on sent en phase avec son intimité profonde mérite que l’on s’y penche.

Que l’on soit une fille ou un fils de douleur, il n’y a pas de fatalité.

10/10/2007

363 jours

Il y a presque une année, à deux jours près, le 12 octobre 2006, mon père apprenait les résultats de sa biopsie. Apprenait, en compagnie de ma mère, le diagnostic. Cancer de la plèvre. Et le pronostic. Trois à six mois à vivre. Je me souviens qu’elle me l’avait annoncé au téléphone. J’étais dans le bus, alors, à Berne. Je rentrais chez moi. J’avais eu beaucoup de difficulté à comprendre ses mots parmi les sanglots. Et même après avoir entendu les mots, j’avais eu beaucoup de difficulté à comprendre de quoi il s’agissait. Trois à six mois à vivre, qu’est-ce que cela voulait dire? C’était improbable. Impensable. Impossible. N’importe qui d’autre, peut-être. Mais pas mon père, pas mon papa. Il était plus fort que ça, il allait s’en sortir. Mais… trois à six mois, de la part d’un spécialiste? Dès lors, je suis entrée en schizophrénie. Prête à me battre avec lui de toutes mes tripes, quand ces mêmes tripes me gueulaient qu’il n’y avait plus rien à faire. Maintenir l’espoir quand on sait, intrinséquement, profondément, qu’il n’y a pas d’espoir – c’est un état que l’on ne peut appréhender avant de l’avoir vécu.

Maintenant, 363 jours plus tard, je pense surtout à mon père. A ce qu’il a pu ressentir, éprouver, quand la masse lui est tombée sur la tête. Quand le couperet s’est abattu. J’y pense, mais je ne peux pas savoir. Aucun de ses proches n’a pu savoir, malgré l’amour et l’empathie. Bien qu’accompagné, il était seul. Journal d’un condamné à mort. Il en a lâché quelques bribes, de ce journal, les trois mois qui ont suivi. Nous y avons répondu au mieux, chacun selon ses moyens. Mais il n’empêche qu’il était seul. Pas abandonné, parce que nous l’avons soutenu jusqu’aux derniers moments de ses derniers râles d’agonie. Mais seul face à sa mort. C’est une dure vérité. Une vérité qui nous attend tous. Nous n’avons pas d’autre choix que de l’accepter. Histoire, comme je crois que mon papa l’a fait, de partir en paix. Et de laisser, après une inévitable douleur, de la paix derrière lui. Il n’a pas surmonté la maladie, mais face à la mort, et à une horrible souffrance, il a été vrai. C’est de cet héritage dont je me souviendrai.

Quelques jours après le diagnostic, le pronostic, quand il était sorti de l’hôpital en attente d’une pleurectomie, il est allé se promener avec ma mère au bord du canal de la Thielle. Là, ils se sont pris dans les bras l’un de l’autre et ils se sont confrontés à l’orage à venir. Et ça, malgré la fin terrible que l’on connaît, c’est d’une beauté absolue.

Je ne doute pas qu’il l’ait goûtée. J’espère, aussi, que cela l’a aidé.

Repose en paix, mon papa.

Elections fédérales

Quelques jours encore, et nous Suisses devrons voter pour renouveler le Conseil national et le Conseil des Etats – la chambre basse et la chambre haute, par canton. Nouvelle arrivée dans le canton de Vaud, je n’ai jamais été aussi empruntée. A priori, dans l’absolu, je me sentais proche du Parti radical – responsabilité personnelle doublée d’un filet social. Je me sentais proche des Radicaux vaudois, qui savaient si bien se démarquer des Radicaux zurichois. Mais ça, apparemment, c’était il y a quelques années. Aujourd’hui, le Radical vaudois fait liste commune avec l ‘UDC. Et ça, je ne peux pas y souscrire. L’alliance avec les Démocrates du Centre – populistement démagogiques – jamais! Reste quoi? Les socialistes? La gauche caviar à la française? Non, merci non plus! L’UDC, j’ai déjà dit que non – xénophobie et moutons noirs à l’emporte-pièce, je ne m’y reconnais moins que rien. A gauche toute, extrême gauche dans son ensemble? Retour à Backward Rock communiste, d’où n’on se n’échappe pas? Merci, pas non plus! On fustige, à juste titre, l’extrême-droite. Mais qui fustigerait également l’extrême-gauche? La svastika est entachée, pourquoi le marteau et la faucille restent dignes de représentation? Pourquoi est-ce que l’on continue à imprimer des images du Che, ce type qui disait qu’il avait fusillé, qu’il avait du sang sur les mains, et qui se disait prêt à fusiller encore tous les contre-révolutionnaires, à s’entacher de ce sang sur ses mains?

Je ne me reconnais ni dans l’extrême-droite – sa prise en otage du drapeau suisse – ni dans l’extrême gauche – sa tendance à pisser sur et à brûler le drapeau suisse. Je suis Suisse et j’ai horreur des extrêmes.

Vais-je voter, ce n’est pas impossible, au centre? Vais-je voter, pour la première fois de mon civisme, PDC? Je me reconnais dans le centre. Je ne me reconnais pas, a priori, dans le «C», équivalent à «chrétien». A moins qu’il ne s’agisse de valeurs chrétiennes indépendamment de quelconques églises. Et alors là, oui, je pourrais dire oui.

J’ai ces papiers à la maison, pour la votation à distance.

J’ai ces papiers, et il me reste une dizaine de jours pour y réfléchir. Et je vais y réfléchir.

Quand vibre la fibre libérale

J’ai emménagé à Lausanne à la mi-mars de cette année. Peu de temps après, j’ai reçu une lettre anonyme de mes voisins. Qui se plaignaient de ne plus pouvoir dormir la fenêtre ouverte, à cause du bruit, et de la fumée. Dernièrement, j’ai reçu une lettre de mes mêmes voisins – signée cette fois, mais je savais que c’était eux, l’écriture était identique. A propos du bruit, et de la fumée. Ce soir, au beau milieu d’une discussion vers 23h00, ces mêmes voisins sont venus frapper à ma porte. Quelques coups discrets d’abord. Puis plus fort. Puis plus fort encore. J’ai éteint les lumières, je me suis repliée de ma terrasse dans ma chambre à coucher. Aucune envie de me retrouver face à une nana ou un type manifestement en furie. Lâcheté? Non, parce que chez moi, c’est chez moi. Je veux bien mettre le holà sur le bruit, respecter la limite helvétique de 22h00. Mais arrêter de fumer, sur ma terrasse? Flûte! Nous ne sommes pas, encore, aux Etats-Unis. Non que je défende la clope, cette merde, non qu’il ne se passe un jour sans que j’aie envie de m’en débarrasser. Mais de là à tolérer que mes voisins empiètent dans mon espace privé. Non, je ne suis pas d’accord. D’autant plus si lesdits voisins sont des handicapés de la communication. Si aucun d’eux n’est capable de venir me parler hors de missives dans ma boîte à lettres, hors de coups violents sur ma porte en début de nuit. Si aucun d’eux. J’aimerais que l’on se parle, que l’on communique. Pourtant il m’arrive de me lasser, de n’avoir plus toujours envie d’aller chercher autrui, de me comporter bêtement, jusqu’à ce que l’on se mette tous deux la tête dans le mur libéral.

Les élections fédérales sont proches. Vais-je pour autant voter libéral – du genre ma liberté s’arrête où commence la liberté d’autrui, et inversément? Le moins que l’on puisse dire, c’est que je ne suis pas convaincue.

10/08/2007

Haka faire plus

Serait-ce que je suis une fashion victim? Serait-ce que je me laisse enfiler tout et n’importe quoi, que je me laisse gaver, à l’insu de mon plein gré, par ces médias dont je me méfie tant? J’aimerais songer que non. Mais force m’est de reconnaître que j’entre pleinement dans la catégorie de ceux qui se sont fait convaincre qu’ils étaient des passionnés de rugby. Notamment des Français (ce que je ne suis pas) et des femmes (ce que je suis). J’ai tant marché au compte à rebours que lorsque le Mondial a finalement débuté, mon cœur battait aussi fort que pour une Coupe du monde de football – et ce n’est pas peu dire, i.e. l’Italie victorieuse en 2006 après 24 ans d’attente.

D’Azzurri, point. Sinon pour la figuration. Pour la forme. Pour l’honneur. Rien à en espérer, concrètement. J’ai jeté mon dévolu sur les All Blacks. Une équipe mythique parmi les mythiques. Qui a remporté le premier trophée, mais qui depuis semble vivre une malédiction.

Une équipe «tout en noir», proche dans l’esprit des mes «bianconeri» de la Juventus, en foot, et du Lugano, en hockey sur glace.

Une équipe «tout en azzurro», pour moi, dans l’âme sinon dans le maillot.

Une équipe qui a abandonné son rêve, justement, face aux Bleus. Je ne nie pas le mérite des Français, mais à mes yeux, cette Coupe du monde est terminée. Gagne qui voudra – j’avoue désormais un faible pour l’équipe à la Rose – je m’en moque.

Rendez-vous aux prochains Mondiaux. Je m’en fiche, mais je sais déjà qu’au fond de moi je chanterai le «Kama te, kama te».

Et qu’entre-temps crèvent Thierry Gilardi et ses semblables. Tous ces journaleux qui savent si bien rendre le Coq imbuvable.

Ce qui ne m’empêche pas d’être, profondément, amoureuse d’un Coq de la même basse-cour. Et que là, en toute égalité, je me sens à l’aise. Sans compétition.

Les yeux dans les yeux

Ka mate

Ringa pakia !
Uma tiraha !
Turi whatia !
Hope whai ake !
Waewae takahia kia kino !
Ka mate ! Ka mate ! Ka ora ! Ka ora !
Ka mate ! Ka mate ! Ka ora ! Ka ora !
Tenei te tangata puhuru huru
Nana nei i tiki mai, Whakawhiti te ra
A upane ! ka upane !
A upane ! ka upane !
Whiti te ra ! Hi !

Tapez les mains contre les cuisses !
Soufflez !
Pliez les genoux !
Laissez la hanche suivre !
Tapez des pieds aussi fort que vous pouvez !
Je meurs ! je meurs ! je vis ! je vis !
Je meurs ! je meurs ! je vis ! je vis !
Voici l'homme poilu
Qui est allé chercher le soleil
Et l'a fait briller à nouveau !
Un pas ! Un autre pas !
Un pas ! Un autre pas !
Le soleil brille !

La coupe est pleine

Selon un journal de boulevard – je ne sais plus lequel, mais qu’on ne m’en veuille pas, tous les journaux suisses sont «de boulevard», quoi qu’ils affirment fièrement d’eux-mêmes – selon un journal de boulevard, donc, une majorité d’Helvètes se prononcent en faveur de l’assistance au suicide. Sous conditions, toutefois. D’abord, il faut être confronté à une maladie incurable. C’est un début, quand on sait la pression exercée par les groupes religieux de tous bords, selon lesquels seul «dieu» (et je souligne la minuscule) décide du début et de la fin d’une vie. C’est un début, mais il ne faut pas exagérer! La même majorité se prononce contre le «tourisme du suicide».

Il faut les comprendre. Je les comprends. Déjà que les étrangers nous piquent notre boulot, notre argent, nos habitations, notre espace – déjà qu’ils profitent tous de notre angélisme, de notre naïveté – quand ils ne violent pas carrément nos femmes et nos enfants… Que leur sang abreuve nos sillons! Si en plus ils s’approprient notre droit légitime à mourir quand et où et comme nous le voulons, je dis stop!

Ces étrangers, ces pas-de-chez-nous, ils nous pompent l’existence au quotidien. Qu’ils aient au moins la décence de crever à domicile.

UDC, PRD, PDC, PS. Quel sera le parti gouvernemental qui osera en faire un thème de campagne électorale? Je voterai pour lui, sans hésitation.

Avec cette petite pensée pour mon père, décédé d’un cancer foudroyant en trois mois. Il n’a pas eu le temps de choisir sa mort. Et après tout, c’est aussi bien ainsi. Bien que naturalisé depuis les années 70, il n’était, dans l’essence, pas vraiment suisse.

10/02/2007

Amants... et religieux... et etc...

Dans hors le mur

Ils foncent la tête la première dans le mur et réfléchissent après. Paraît, selon les autoproclamés experts en astrologie, que c’est la caractéristique principale des béliers. Signe dont je fais partie. Née un 1er avril, comme dirait l’autre. Oui, bon, je sais, moi aussi il m’arrive d’en rire, et plus souvent que de coutume. Un peu jaune parfois, j’admets. Parce que je ne suis pas seulement bélier, je suis bélier ascendant bélier. Et ça, franchement, c’est l’équivalent horoscopique de «On ne s’évade pas de Backward Rock». A foncer la tête la première dans le mur, et la deuxième première tête dans le premier deuxième mur. Ou inversément. Et comment trouver l’espace pour réfléchir entre deux briques de la première deuxième tête dans le deuxième premier mur? Ou inversément. Ou comment passer de l’un à l’autre sans l’un sans l’autre, sans réfléchir? Confus. Dans tous les domaines, à tous les niveaux. Au point que je pourrais me demander s’il ne vaudrait pas mieux que j’adhère à l’UDC. A son bouc Zottel. Emissaire. Bien que je ricane à ce poisson pourri, ce mauvais gag. La bile au bord des lèvres. Bien sûr, c’est juste de la provoc’. La jaunisse ulcéreuse? Pas pour moi. Quitte à taper de mon foie sur le mur. Toc toc toc. Et je suis là. Et je sais que vous êtes là. Et ma tête, merci. Il y a, effectivement, une porte dans le mur. Un pré fructueux où le bélier se nourrit sans envier l’herbe névrotiquement plus verte du voisin, où le bélier / bouc décide que ces raisins ne sont pas trop verts pour lui. Où il avance la langue, accepte de recevoir. Goûte que goûte.

«The Wall»

Cette œuvre, je l’ai découverte quand j’étais au gymnase, au lycée. Je ne sais plus quelle année exactement. 1982-1983-1984-1985. Quelqu’un parmi notre staff professoral avait organisé des «journées cinéma». Dans la salle des «Arcades», à Neuchâtel. Pour nous, ados, c’était au mieux un jour sans cours. Un jour où les matières principales étaient mises de côté, où toute licence nous était donnée de glander. Je me souviens m’y être rendue dans cet état d’esprit – et quelle crème glacée j’allais déguster à l’entracte, et où j’allais choisir mon siège par rapport au mec qui m’avait tapé dans l’œil. C’était sans compter sur le film. Et quelle, et où – tout a disparu dès le début. Scotchée. J’étais scotchée. Tourneboulée. Sens dessus dessous.

Sur le moment, je n’ai pas compris pourquoi. Sur le moment, j’ai juste choisi de présenter un thème en classe sur le sujet. Anglais, traduction des paroles et analyse de textes – et un radio-cassettes du Moyen-Age pour permettre à mes condisciples d’écouter dans le détail les morceaux.

Sur le moment, je n’ai pas su pourquoi «The Wall» me parlait tellement.

Aujourd’hui, je le sais. Je me repenche sur cette œuvre mythique, l’émotion partout. Le bélier rue encore parfois dans les brancards. Mais il a trouvé, intimement, la porte de sortie, le moyen de faire exploser le mur sans partir en milliards de morceaux. Sans sombrer dans la folie. Sans rejoindre le pré carré bicolore de Zottel. Broutant désormais dans un jardin intime ouvert à tous les hommes et animaux de bonne volonté.

Broutant sur les contours de ce que fut «The Wall». Un ancien sanctuaire que l’on visitera de temps à autre, juste pour y déposer une fleur ici et là, sans pèlerinage.

A bélier, bélier et demi. J’ai été maçon, dans une autre vie.