10/30/2007

Bla bla bla

J’ai grandi dans une famille bi-culturelle, entre la Suisse et la Sicile. Côté sicilien, paternel, on nous a toujours fait comprendre que l’aspect du clan familial passait avant tout le reste. Rien de surprenant sous le soleil, cela va pleinement dans le sens de l’idée que l’on se forme des gens du Sud, d’une tradition perpétuée au fil des siècles. On nous a toujours fait comprendre que les gens du Nord n’étaient pas en mesure de saisir ce profond attachement, eux qui s’étaient perdus dans les méandres de l’individualisme forcené.

Se construire là au milieu, ce n’était déjà pas une sinécure, entre des messages parfois opposés, sinon totalement contradictoires. Avec les années, plutôt que de mettre en avant l’antithétisme, j’ai cherché l’équilibre, j’ai fait en sorte de ne conserver que ce qui me convenait des deux cultures. Avec les années, j’ai compris que c’était une richesse et non un handicap. Et c’est ainsi que je le vis aujourd’hui.

En revanche, j’ai aussi compris que les grands discours sur la famille, sur le clan, sur la solidarité inébranlable qui devrait en découler n’étaient que… des grands discours. Je n’en tire aucune généralité sur les gens du Sud ou quoi que ce soit, je ne parle que de ma famille côté paternel. Petit à petit, j’en suis arrivée à soupçonner que ce n’était que du brassage d’air, que derrière, il n’y avait que du vide. Que cette pseudo-solidarité ne fonctionnait que sous condition, pour autant que l’on demeure dans la droite ligne dogmatique. Sinon il n’y avait plus personne. Ces soupçons me sont venus très tôt, quand je n’étais qu’enfant, de manière informulée. J’ai commencé à les exprimer à l’adolescence, ce qui m’a valu pas mal de souci, notamment de me voir traiter d’incurable égoïste. Idem pour ma sœur. Idem pour mes cousines.

J’ai dit ce que j’avais à dire, puis j’ai marqué le pas. Non que je craignais d’être rejetée – franchement, je m’en foutais, je n’avais pas besoin de cette bénédiction pour poursuivre mon chemin – mais par rapport à mon père, pour ne pas lui faire de la peine. C’était sa mère, c’était son père, c’était son frère. C’était sa famille. J’avais coupé les ponts, mais je me forçais à aller les voir uniquement pour lui.

Maintenant, mon papa est mort. Et tout ce que j’avais soupçonné se confirme malheureusement. Et malheureusement, c’est ma mère qui en fait les frais. Elle n’est plus la bienvenue en Sicile (sic !), personne ne veut aller la voir dans sa maison, on ne l’invite qu’au compte-goutte, en lui marquant bien qu’elle n’a rien à faire là.

Et, bizarrement, c’est la famille des «gens du Nord» qui se montre la plus solidaire. Qui l’accueille sans condition, de jour comme de nuit.

Non, je n’en tire aucune conclusion. Je suis juste écoeurée. Pas étonnée. Ecoeurée.

Je garde mes racines siciliennes en souvenir de mon père. L’importance de ce qu’il m’a transmis, son héritage.

Je ne garde que cela. La «nonna», le «nonno», mon oncle, tous les autres ne représentent plus rien pour moi.

C’est triste d’en aboutir là. Je suis plutôt du genre à privilégier la communication, à œuvrer pour des solutions. Mais à force de pousser dans les orties…

Je crois toujours à la famille, à la solidarité qui en découle. Je continue dans cette direction. Avec d’autres personnes, simplement.