10/02/2007

Dans hors le mur

Ils foncent la tête la première dans le mur et réfléchissent après. Paraît, selon les autoproclamés experts en astrologie, que c’est la caractéristique principale des béliers. Signe dont je fais partie. Née un 1er avril, comme dirait l’autre. Oui, bon, je sais, moi aussi il m’arrive d’en rire, et plus souvent que de coutume. Un peu jaune parfois, j’admets. Parce que je ne suis pas seulement bélier, je suis bélier ascendant bélier. Et ça, franchement, c’est l’équivalent horoscopique de «On ne s’évade pas de Backward Rock». A foncer la tête la première dans le mur, et la deuxième première tête dans le premier deuxième mur. Ou inversément. Et comment trouver l’espace pour réfléchir entre deux briques de la première deuxième tête dans le deuxième premier mur? Ou inversément. Ou comment passer de l’un à l’autre sans l’un sans l’autre, sans réfléchir? Confus. Dans tous les domaines, à tous les niveaux. Au point que je pourrais me demander s’il ne vaudrait pas mieux que j’adhère à l’UDC. A son bouc Zottel. Emissaire. Bien que je ricane à ce poisson pourri, ce mauvais gag. La bile au bord des lèvres. Bien sûr, c’est juste de la provoc’. La jaunisse ulcéreuse? Pas pour moi. Quitte à taper de mon foie sur le mur. Toc toc toc. Et je suis là. Et je sais que vous êtes là. Et ma tête, merci. Il y a, effectivement, une porte dans le mur. Un pré fructueux où le bélier se nourrit sans envier l’herbe névrotiquement plus verte du voisin, où le bélier / bouc décide que ces raisins ne sont pas trop verts pour lui. Où il avance la langue, accepte de recevoir. Goûte que goûte.

«The Wall»

Cette œuvre, je l’ai découverte quand j’étais au gymnase, au lycée. Je ne sais plus quelle année exactement. 1982-1983-1984-1985. Quelqu’un parmi notre staff professoral avait organisé des «journées cinéma». Dans la salle des «Arcades», à Neuchâtel. Pour nous, ados, c’était au mieux un jour sans cours. Un jour où les matières principales étaient mises de côté, où toute licence nous était donnée de glander. Je me souviens m’y être rendue dans cet état d’esprit – et quelle crème glacée j’allais déguster à l’entracte, et où j’allais choisir mon siège par rapport au mec qui m’avait tapé dans l’œil. C’était sans compter sur le film. Et quelle, et où – tout a disparu dès le début. Scotchée. J’étais scotchée. Tourneboulée. Sens dessus dessous.

Sur le moment, je n’ai pas compris pourquoi. Sur le moment, j’ai juste choisi de présenter un thème en classe sur le sujet. Anglais, traduction des paroles et analyse de textes – et un radio-cassettes du Moyen-Age pour permettre à mes condisciples d’écouter dans le détail les morceaux.

Sur le moment, je n’ai pas su pourquoi «The Wall» me parlait tellement.

Aujourd’hui, je le sais. Je me repenche sur cette œuvre mythique, l’émotion partout. Le bélier rue encore parfois dans les brancards. Mais il a trouvé, intimement, la porte de sortie, le moyen de faire exploser le mur sans partir en milliards de morceaux. Sans sombrer dans la folie. Sans rejoindre le pré carré bicolore de Zottel. Broutant désormais dans un jardin intime ouvert à tous les hommes et animaux de bonne volonté.

Broutant sur les contours de ce que fut «The Wall». Un ancien sanctuaire que l’on visitera de temps à autre, juste pour y déposer une fleur ici et là, sans pèlerinage.

A bélier, bélier et demi. J’ai été maçon, dans une autre vie.