2/03/2008

Petite scène ordinaire

Train pour Lausanne. Je rêvasse en regardant le paysage. Soudain, des éclats de voix attirent mon attention. De l’autre côté du couloir. Je tourne la tête. Un vieillard invective quelqu’un. La situation est assez claire. Une jeune femme a installé ses pieds, protégés par un journal, sur la banquette d’en face. Il y a quantité de sièges libres alentour, mais le monsieur a décidé qu’il voulait s’asseoir là et pas ailleurs. Rapidement, il devient évident que la cause du problème est autre.

«T’es pas d’ici, t’as qu’à retourner dans ton pays!»

La jeune femme noire tente de garder son calme. Rien n’y fait.

«Chuis sûr que t’as pas payé ton billet! Toujours comme ça: nous, les Suisses, on paie pour vous, les étrangers!»

La jeune femme s’énerve un peu, lui demande de changer de ton.

«C’est ça, pis quoi encore! Vais te foutre un coup de pied au cul, moi!»

Nous sommes plusieurs à intervenir pour que le monsieur revienne à la raison. Sans plus de succès.

«Quoi, qu’esse qu’y a? Z’êtes pas des vrais Suisses non plus?!»

Il aura fallu que le contrôleur s’en mêle pour que le type se tasse.

A la descente du train, à Lausanne, j’ai vu la jeune femme qui pleurait sur le quai. Je lui ai offert un mouchoir en papier, bredouillant quelques mots de soutien et d’encouragement. Je me sentais honteuse de ce que ce vieux con avait mis en avant son origine suisse pour proférer de telles insanités. Et très fière de ne pas lui ressembler.

Petite scène du racisme, de la connerie, de la sénilité ordinaires.

On a beau savoir que ça existe, ça fait toujours un choc d’y être confronté.