11/22/2007

Nos chers disparus

Je suppose que c’est dans l’air du temps. N’empêche que ça m’a fait tout bizarre, aujourd’hui, quand j’ai lu la nouvelle.

La Tribune de Genève, 24 Heures et deux journaux hypra-locaux s’associent pour lancer un site internet. Jusque-là, rien que de très banal. Ce qui est inédit, c’est qu’il est dédié exclusivement aux… annonces mortuaires. Je ne crois pas avoir jamais vu ça en Suisse, ou du moins en Romandie. Intitulé Hommages, il regroupe les rubriques nécrologiques desdits journaux. Et propose également des informations pratiques (Cérémonies d’adieu et convois ; Les dernières volontés ; Toutes les démarches ; Organiser les obsèques ; Régler la succession), ainsi qu’une Aide au deuil. A en croire la publicité, dès 2008 il sera possible de mettre en lien des diaporamas photos, des vidéos, agrémentées ou non de paroles et de musique. Ou encore, le must, de faire rédiger une courte biographie de la personne décédée par un journaliste patenté. /NB: ces nouveaux services seront payants/

J’ai de la peine à expliquer pourquoi, la démarche me chiffonne. Non, je ne sais pas pourquoi cela me titille, mais mon petit doigt me souffle que quelque chose ne colle pas. Je suis pourtant la première à dénoncer le tabou qui entoure la mort dans notre société occidentale. Et c’est peut-être là que ça coince. On peut avoir l’impression, avec des sites de ce genre, que finalement on regarde la réalité en face. Or il me semble que c’est tout le contraire. Il me semble que par un surcroît d’informations, on cherche à enterrer (c’est le cas de le dire) le problème.

Je le reconnais, je ne suis pas claire sur ce coup-là. Moi-même j’ai de la peine à me suivre. Disons que plutôt qu’une prise de conscience, j’y déchiffre une fuite, malsainement morbide.

«Pour que leur souvenir demeure», lit-on sur le bandeau de la page d’accueil. Louable. Et très certainement profitable. C’est bien connu: avec l’horoscope, les rubriques nécrologiques sont les plus consultées de la presse écrite. Sachant qu’un média ne lancera jamais un site à fonds perdus, il y a fort à parier que, outre les services payants, la pub fera tôt ou tard son apparition sur Hommages. «Soldes: 10% sur tous nos cercueils», «Me Machin-Truc, spécialiste en droits de succession», «Le restaurant X accueille vos verrées d’adieu, traiteur, service soigné, discrétion, prix imbattables»…

Et alors, me rétorquera-t-on? Il y a longtemps que les entreprises de pompes funèbres vivent du commerce de la mort, et personne ne s’en plaint. Je suis d’accord. En partie. Après le décès de mon père, j’ai pu constater que ceux qui travaillent dans ce domaine font certes tourner un business, mais qu’ils sont aussi doués d’une réelle empathie – par la bande, j’avouerai que jusque-là je n’avais jamais compris que l’on puisse choisir ce métier. La différence avec les journaux à l’origine du projet? L’empathie n’existe pas dans l’univers médiatique. Je ne parle pas des journalistes pris individuellement. Je parle des firmes qui les emploient, essentiellement focalisées sur le profit.

Enfin, quelle différence entre les annonces mortuaires imprimées et celles paraissant sur le net? Un journal ne se résume pas à ses rubriques nécrologiques. Hommages si.

Autant d’aspects qui, cumulés, me laissent plus que perplexe.

D(h)ommages et intérêts…