11/21/2007

Peste brune

Partons du principe qu’un blog est un outil privé, où l’on peut afficher (à peu près) tout ce qu’on veut – «c’est mon avis, je le partage, et il n’engage que moi». Là où ça se corse, c’est lorsque ledit blog est tenu par un colonel de l’armée suisse.

Un soldat suisse, a fortiori un gradé, se doit de respecter un devoir de fonction en rapport avec l’uniforme qu’il arbore. Du moins lorsqu’il s’exprime exclusivement en tant que membre de l’armée, et non en simple civil. Pro ou anti-armée ne change rien à l’affaire. Armée suisse il y a, et qu’on le veuille ou non elle reflète l’image de notre pays.

Que penser dès lors du blog personnel d’un colonel qui se «brunise» de plus en plus au fil du temps? Ce qui (citant les mots d’un ami) était à l’origine un «laboratoire d’idées» est devenu le repaire de radicalistes partisans d’une idéologie à la sinistre mémoire – seule la cible change, ce ne sont plus les juifs qui incarnent l'Etranger coupable de tous les maux, mais à la fois l’Islam et les ressortissants des Balkans. Quelques intervenants tentent encore, ici et là, de contrecarrer, d’argumenter. Peine perdue. On ne dialogue pas avec des fondamentalistes.

Pour replacer les choses dans leur contexte, un exemple de «débat». A l’affirmation qu’on peut reconnaître un «Européen ethnique», un courageux internaute répond:

«A quels critères reconnaissez-vous un Européen «ethnique»? A la manière du régime de Vichy, en allant fureter dans les registres d’état-civil, et en disant: «Ah, vous, Rochebrune, votre vrai nom, ça ne serait pas plutôt Bronstein?» Et vous, Racine, ça ne serait pas plutôt Hocine? Ou, à la manière de l’Afrique du Sud de l’apartheid, avec le crayon dans les cheveux? A partir de combien de croisements, de combien de générations, de combien de «quartiers» cesse-t-on d’être (ou, à l’inverse, devient-on) ethnique?»

Un candidat à la «chemise brune» rétorque aussitôt:

«Les tenants comme vous du juridisme intégral vont avoir fort à faire, ces prochaines années, à contrecarrer les avancées en matière de recherche génétique.»

Qui connaît l’Histoire du XXe siècle ne peut qu’en avoir froid dans le dos.

Ces propos sont effrayants, inutile de le souligner. Mais ce n’est pas non plus le but de mon billet. Ce qui me choque, c’est qu’ils paraissent ouvertement sur le blog d’un colonel de l’armée suisse qui se présente en tant que tel.

Cautionne-t-il ces commentaires? Lorsqu’on le lui demande, il ne répond pas directement. Sa «clique» s’en charge à sa place, généralement dans les termes les plus virulents. Et s’il ne les cautionne pas, pourquoi les permet-il? Serait-ce qu’il a perdu le contrôle de son propre outil? Ayant fréquenté le personnage d’assez près, je ne le crois pas.

Ce qui me choque le plus, c’est l’absence de réaction de ses supérieurs. Ne sont-ils pas au courant? Connaissant un tantinet la «Grande Muette», cela m’étonnerait. Et s’ils sont au courant, pourquoi ne mettent-ils pas un terme à la dérive «brune» du blog d’un de leurs officiers? Je ne suis ni pro ni anti-armée. Je pense, n’étant pas naïve, que dans le monde dans lequel on vit, les armées sont un mal nécessaire – même si je préférerais de loin que l’on puisse faire à moins. Vu que ce n’est pas (encore) le cas, je n’ose imaginer que les cadres choisissent de fermer les yeux, de laisser carte blanche à ce colonel, sous prétexte peut-être qu’il est extrêmement efficient. Un peu comme, dans les entreprises, on garde les «sales cons» parce qu’ils accomplissent à eux seuls le travail de dix employés. A court terme, la stratégie peut s’avérer payante. Sur le long terme, c’est un désastre.

En conclusion, je plagierai une célèbre répartie: «Mais que fait le DDPS?»

2 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Comment dire, voilà un post salutaire :-) En effet le blog de ce "Colonel" ne peut que dévaloriser l'image de l'armée ET de la Suisse (pays que j'adore!). Dans d'autres pays comme, le mien, le "Colonel" aurait déjà été rappelé à l'ordre, voire exclu de l'armée.

Alors, ta question finale est bien évidemment la bonne: que font les autorités?

5:35 AM  
Anonymous Anonyme said...

Au plus je lis ce qui s'y dit au plus je suis effrayé. C'est plus que de la haine, cela devient de l'appel à la violence envers les communautés immigrées. Comment la gauche suisse et les autorités confédérales peuvent laisser un "colonel" suisse dévoyer ainsi l'idéal démocratique de votre pays. HALLUCINANT!

Comment a-t-il pu dériver à ce point vers la peste brune ?

4:21 PM  

Enregistrer un commentaire

<< Home