7/02/2007

De John Howe à HR Giger en Pan European / II

Première étape: Saint-Ursanne.

Authentique cité du Moyen-Age au cœur du Jura suisse. Tous les deux ans, elle organise ses Fêtes médiévales.

Vu que je suis une passionnée de cette période historique, la manifestation traditionnelle était déjà une raison suffisante pour souhaiter m’y rendre. Sans compter que le panorama est une vraie merveille – pâturages vallonnés parsemés de sapins, forêts ombreusement humides, méandres du Doubs – à goûter par une splendide journée d’été.

Cette année toutefois s’y ajoutait un plus que je ne pouvais ignorer: l’invité principal des Fêtes médiévales de Saint-Ursanne n’était autre que John Howe.

Pour tous ceux qui ont aimé la trilogie du «Seigneur des Anneaux» de Peter Jackson, il suffira de préciser qu’il était directeur artistique, à l’origine de la plastique de tous les personnages et de l’ensemble des décors – hormi, évidemment, les décors naturels de Nouvelle-Zélande. Pour ceux qui comme moi ont découvert «The Lord of the Rings» bien avant le battage médiatique, John Howe est un illustrateur de Fantasy majeur qui reste évidemment attaché à cette œuvre mythique dans tous les sens du terme.

Depuis 1990, «The Lord of the Rings», je l’ai lu seize fois. Et ce n’est pas terminé. Un des rares livres que je connais qui évolue en parallèle à ma personnalité. Chaque fois que je m’y plonge, je découvre une nouvelle lecture en rapport avec l’état de mon vécu. Il n’y a pas de raison que ça change. Voilà pourquoi je me permets d’affirmer que c’est ma bible.

John Howe est arrivé plus tard. Mais le coup de foudre a été aussi magistral que l’œuvre qu’il illustrait. J’y retrouvais tout, absolument tout, ce que j’avais entraperçu entre les lignes, par une correspondance qui ne cessait pas, n’a jamais cessé, de me troubler, de m’interpeller.

Saint-Ursanne laisse libre cours à son imaginaire: réalisations en 3D disséminées dans la cité, expositions diverses entre le Cloître, le Musée lapidaire et le Caveau, film à la rencontre de l’auteur lors d’une visite au château du Haut-Koenigsbourg, en Alsace, choix de diapositives «There and Back again… and Space between» - bref, de quoi se sustenter à loisir.

Et puis, cerise sur le gâteau, séance de dédicaces le samedi dès 14h00. D’abord je me suis dit que non, il y avait trop de monde, une heure d’attente au minimum. Ensuite je me suis dit que non – il y avait moins de monde, moins d’attente, mais tout de même, je n’allais pas me la jouer groupie – «Monsieur John Howe, j’adore ce que vous faites!» - ensuite je me suis dit que oui, pourquoi pas?

Ensuite je me suis dit que je n’allais pas me la jouer du tout. Après tout, hein, ce type, c’était un type comme les autres, comme vous et moi. Ensuite je me suis dit: c’est un artiste, ça lui fait sûrement plaisir de savoir que l’on aime son œuvre, si j’étais à sa place ça me ferait plaisir en tout cas. Ensuite, quand il ne demeurait plus que trois rangs de personnes devant moi, j’ai commencé à me demander: «Mon dieu, qu’est-ce que je vais lui dire??? Mon dieu, je ne vais rien trouver à lui dire!!!» Et je me suis sentie très bête.

Histoire de gagner du temps, j’ai poussé mon homme devant moi. Qui s’est plié avec bonne grâce: «Je ne vous connais pas du tout», a-t-il avoué avec sincérité, avant d’ajouter «Mafalda m’a confié que vous êtes fou…» et d’ajouter encore «C’est un des plus beaux compliments qu’elle puisse vous faire…» A mon tour. J’ai placé ma reproduction de l’affiche sur la table, ai inspiré un grand coup, et me suis efforcée de baragouiner quelque chose. Surprise la première de mon cœur qui battait à tout va et de cette voix qui sortait en tremblotant. John Howe n’avait rien d’impressionnant d’apparence, il ne se la pétait pas, rien en lui ne transpirait la star. Pourtant il me semblait que j’avais quatre ans et je ne trouvais plus mes mots.

Et puis merde, j’ai lâché prise, je n’ai pas cherché à cacher quoi que ce soit.

«Je suis très émue…», me suis-je entendu prononcer en chuchotant quasiment. «Il y a des années que vous habitez mon imaginaire…» Ne manquant pas d’humour, il a enchaîné: «Et aujourd’hui vous êtes déçue…» C’est tellement vrai, comme ça, qu’il ne ressemble à rien de spécial. Sauf ses yeux, illuminés. D’ailleurs on s’en fout, il suffit de se plonger dans ses illustrations. «Non, tout au contraire….», me suis-je entendu répondre. «On dirait… on dirait que vous êtes assis dans mon cerveau… et que vous reproduisez dans vos dessins ce que moi je vois…» Un contact visuel au-delà des mots. «Merci… Merci de tout ce que vous m’avez apporté durant toutes ces années… Et continuez !» Une réponse marmonnée à travers la barbe: «Merci aussi… Et oui j’ai l’intention de continuer… D’ailleurs, je ne sais rien faire d’autre…»

Très bête, très stupide, me suis-je sentie à repartir les larmes aux paupières, choyant une émotion au jour le jour. L’espace d’un instant.

Ainsi suis-je, hypersensible. C’est parfois un moins dans notre société de handicapés émotionnels. C’est souvent un plus, parce qu’on vole plus haut qu’on ne saurait le concevoir.

Je suis heureuse d’avoir croisé John Howe. D’avoir pu lui dire, sans qu’il joue à la star et sans que je ne joue à la groupie, ce que son œuvre représente d’enrichissement.

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Plus d’informations sur Saint-Ursanne la Fantastique