6/29/2007

Big Brother

Signe de nos temps. Qui n’a jamais fait ça: une nouvelle connaissance, on entre ses nom et prénom sur le net, juste pour voir. Je me suis livrée à ce petit exercice avec mon nouveau pote américain de MySpace – qui, par souci de rectification, n’est pas du Wisconsin, mais du Minnesota.

Ses nom et prénom, il ne s’en cache pas. Plus l’Etat. Trop facile. Dès le quatrième ou cinquième lien, bingo. XY, habitant dans la ville de ***. Tiens, tiens, je m’en vais aller jeter un coup d’œil sur l’annuaire en ligne, histoire de savoir si je peux découvrir une adresse plus précise. Trop facile encore. Non seulement il habite toujours ***, mais j’ai désormais son adresse exacte, son numéro de téléphone et la dizaine de lieux où il a vécu auparavant, ainsi que, en prime, le prénom de sa femme.

Outre la réflexion sur le fait que mon petit copain des States n’est pas très prudent, grillant les règles de base de l’anonymat sur internet – encore qu’on pourrait sûrement me reprocher d’en dire trop sur moi-même malgré une discrétion apparente et me rétorquer qu’une recherche un peu serrée aboutirait également à un résultat en ce qui me concerne… - ce qui m’a foutu les boules, c’est une option du site white-pages.numberway.com. Deux liens formulés comme suit:

Does XY have civil court records in the state of Minnesota?
Does XY have a criminal record in Minnesota?

Interloquée, j’ai cliqué. Ce service d’«utilité publique» (si le sarcasme n’est pas suffisamment évident, je le souligne) est proposé par un site intitulé intelius.com. Payant, cela va sans dire. Il offre notamment, pour la modique somme de 44,96$, un «background report» qui inclut:

Criminal check
Sex offender check
Bankruptcies and liens
Small claims and judgments
Address history
Relatives and associates
Neighbors
Neighborhood info
Home value and details
Satellite and map images
Alias names
Much more…

Pour la modique somme supplémentaire de 9,95$, il est possible de devenir membre d’intelius et de bénéficier ainsi d’un rabais de 10% sur toutes les transactions sur une année, y compris la transaction courante.

De quoi en avoir froid dans le dos, non? Je ne sais pas si c’est une sensibilité orwellienne qui s’exprime soudain, mais j’espère que ce que je pense une tendance typiquement outre-Atlantique n’est pas en vigueur chez nous, i.e. en Europe. Et que si elle devait pointer le bout de son nez, nous saurons y résister de toutes nos forces.

Cela étant dit sans naïveté aucune: nous sommes déjà tellement traçables que ce serait un leurre d’aveugle forcené que de croire encore à la notion, ridiculement foulée aux pieds, de protection de la sphère privée.

2 Comments:

Blogger Megane said...

Si un site comme celui-ci a été créé c'est en réponse à la méfiance dont chacun fait preuve outre Atlantique vis à vis de son voisin, et la méfiance entraînant la méfiance, elle est instrumentalisée en outil de contrôle des mentalité sous un règne de peur. Il n'est plus à rappeler que l'insécurité est quasi-intégralement devenu un argument politique..

7:53 PM  
Blogger Myriam said...

Oui, Mégane, je suis totalement d'accord avec toi. Encore qu'instrumentaliser la peur de l'Autre n'a rien, hélas, d'une nouveauté. Semblerait que la méfiance à l'égard de son prochain soit une marque de fabrique typiquement humaine, et ce n'est pas la première ni la dernière fois que les politiques jouent de ce mécanisme extrémement puissant... Je ne vais certes pas changer le monde à moi toute seule - dans la mesure même où je chercherais à changer le monde, ce qui n'est pas certain... - en revanche je refuse de banaliser ce concept et de faire semblant, tant que je ne suis pas concernée, qu'il s'agit d'une fatalité dont je n'aurais rien remarqué...

9:09 PM  

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