12/31/2007

Interview / 2e partie

Interview / 1e partie

Les fraises sauvages

Persona

Le septième sceau

Ingmar Bergman

Rien que de l’avoir évoqué, j’ai la monstre nostalgie.

Je l'ai découvert en l’espace d’un été, au cœur des années 90. Durant trois semaines, je n’ai vécu que par et pour son œuvre. Et plus je progressais dans son univers, plus je faisais connaissance avec le mien.

Ingmar Bergman n’est pas pour moi seulement un cinéaste, scénariste, metteur en scène de génie. Il est le philosophe, le maître à penser, le mentor. Celui qui m’a révélé sans fard une facette centrale de Mafalda dont j’avais l’intuition mais que je n’avais jamais vue aussi clairement.

Quitte à ce que, au fil des ans, je divorce de ses principes de base. C’est aussi cela, un vrai mentor: une personnalité qui donne envie de la dépasser, à laquelle on porte parallèlement une indestructible gratitude. Une personnalité qui donne envie de se dépasser.

Le manque de Bergman, je peux le remplir en me replongeant dans son œuvre atemporelle. Avec un pincement de frustration pour lequel il n’y aura pas de retour: celui de ne lui avoir jamais écrit, comme j’en ai caressé l’idée pendant des années, pour le remercier.

Ainsi soit-il. Cela va, en un certain sens, dans son sens. Totalement athée, il n’est plus en mesure de m’entendre.

A chacun son hommage. J’aime imaginer qu’il m’aurait comprise.

Hej da !

Après la musique, la littérature. Mon écrivain du moment, depuis plusieurs semaines, c’est Henning Mankell. Les polars de cet auteur suédois ont la touche typiquement scandinave dont je raffole. Si bien que je dévore ses bouquins les uns après les autres. Outre l’intrigue, toujours passionnante, il y a l’intrigue dans l’intrigue, les psychologies entremêlées des divers protagonistes. Avec cette ambiance particulière à la Suède qui fait que je me demande pourquoi fichtre je n’y suis pas encore allée alors que j’en rêve.

Généralement je ne cherche pas à connaître la vie des écrivains que j’apprécie – ce qui peut-être différencie la lectrice de la groupie. Je m’attache avant tout à la fiction qu’ils proposent, et je ne pense pas qu’ils me donneraient tort. Une fois n’est pas coutume, l’idée d’écrire un billet sur Henning Mankell m’a poussée à fouiller sur le net. Je n’en ai retenu qu’une chose, un détail, qui m’a clairement posée sur le luc.

Henning Mankell est le gendre d’Ingmar Bergman, dont il a épousé la fille Eva. Bergman. Le Réalisateur par excellence. Bergman, à qui je voue une adoration sans borne. Je sais que l’on peut considérer mon sensibilisme comme déplacé, mais lorsqu’il est mort le 30 juillet 2007 sur l’île de Fârö, je me suis quelque part sentie orpheline. Je m’étais tellement persuadée que lui au moins serait éternel.

Mankell est le gendre de Bergman. Un détail, certes. Pourtant c’est un peu comme si j’avais eu la chance de tomber par hasard sur un héritier. Qui comblerait, encore que pas entièrement, personne n’en sera capable, le vide laissé par le Maître.

Nul doute que je vais lire ses livres avec d’autant plus de passion.

La seule chose que je regrette, c’est de n’avoir accès au texte original. Pas de sous-titres pour me guider dans cette langue suédoise si chantante. En attendant de l’apprendre,

Mankell, jag älskar dej.

Lola

Superbus

En musique comme en littérature: chaque fois que je découvre un album ou un livre qui me plaisent, je ne peux me défaire de l’étrange impression que ça ne se reproduira pas. La musique et la littérature sont pour moi des nourritures tellement essentielles qu’à la perspective d’un nouveau voyage je me sens gratifiée d’un miracle. Et un miracle qui se répète, c’est proprement… miraculeux.

La musique actuelle, c’est «Superbus». Ce groupe pop rock français ne me provoque pas de transe, contrairement à d’autres opus – un exemple parmi mille «Music for 18 Musicians» de Steve Reich, que j’écoute à intervalles réguliers depuis le début des années 90 et que je viens de télécharger sur mon iPod. L’album «Wow» n’a rien d’exceptionnel, sinon qu’il a le don de me mettre de bonne humeur.

Un petit côté frais, pimpant, fruité, avec ici et là quelques touches piquantes, acidulées juste ce qu’il faut. A l’image de sa pétillante chanteuse.

12/30/2007

2005

1976

1933

Les irregardables

Tous ceux qui aiment le cinéma ont leur panthéon privé. Basiquement dit, un hit-parade, montant et descendant. Au top les cultes, au rez-de-chaussée, voire au sous-sol, les navets. Et là au milieu, tout en haut ou tout en bas, les «irregardables». Ces films que l’on ne peut supporter, quelle qu’en soit la raison.

Parmi mes connaissances, une personne qui n’a jamais pu voir «Le jour le plus long» sans s’endormir en route, malgré de multiples tentatives. Ou une autre encore, qui s’est braquée face à «Shining», au point de rater ce qu’elle devinait un chef-d’œuvre. Ou d’autres encore, etc.

Mon «irregardable» à moi, c’est d’apparence un opus bê-bête.

La première toile date de 1933. Réalisateurs Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack. Un remake en 1976, de John Guillermin (qui a aussi tourné, cela vaut la peine de le rappeler, «La Tour infernale» - «The Towering Inferno», un must s’il en est, en 1974) – avec dans les rôles-titres Jeff Bridges et Jessica Lange. Un très mauvais remake, à ranger dans les plus pitoyables des sous-sol. Un remake en 2005, de Peter Jackson (qui a aussi tourné, cela vaut plus que la peine de le rappeler, la version filmique du «Lord of the Rings», un mythe s’il en est) – avec notamment la splendide et douée Naomi Watts dans le rôle principal féminin.

Cet ultime opus, fidèle adaptation de celui de 1933, je ne l’avais jamais vu. Jusqu’à ce soir. Cet ultime opus, bien que certainement réussi, je n’ai pas pu le regarder jusqu’au bout.

Autant je fonds quand la «belle» et la «bête» se comprennent en regard, sans paroles, malgré leurs intrinsèques différences. Autant je switche lorsque l’incompréhension du monde extérieur prend le dessus.

Je sais la destinée du grand gorille amoureux. Je sais la douleur de cette femme qui a vu au-delà des apparences. Je sais les réflexions sur la nature brut et l’Humanité qui s’en est coupée. Je sais toutes les réflexions que l’on pourrait en tirer. Mais… je switche.

A chacun son «irregardable».

Le mien, pour l’heure, c’est

King Kong.

12/27/2007

Sogno

Quelque part au fin fond de la Sibérie, le président russe me montre les codes secrets pour déclencher le lancement des missiles. Un geste tout simple: il glisse sa main sur le sol, des capteurs spécialisés reconnaissent ses empreintes digitales. Glacée, je tente néanmoins de le persuader:«Vous ne pouvez pas faire ça! Si vous le faites, ce sera la guerre nucléaire! Ce n’est certainement pas ce que vous souhaitez!» Il me regarde, et me répond, sans la moindre émotion:«Les Etats-Unis ont commencé à nous attaquer. Nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas rétorquer.»

Saut. Je suis à Londres, avec mon père. Nous buvons un jus sur une terrasse. Je sais fort bien ce qui va se produire, mais je me tais. Je préfère profiter de ce moment partagé en sa compagnie tant que c’est possible.

Malgré l’hiver, l’air est doux. Chaud, en réalité. Humide. On se croirait presque en été, à l’aube d’un orage. Je trinque avec papa, semblant de rien. Du coin de l’œil, j’enregistre le changement de climat. Un éclair, d’abord. Lointain, entre deux immeubles. Un autre éclair. Et un autre. Encore un autre. Le ciel est bas. Silencieux. Menaçant. Je croise le regard de mon père. Il croise le mien. Personne n’est dupe.

Nous retenons notre souffle quelques minutes. Avant. Avant de.

Il faut courir, courir, courir. Papa prend les rênes en main. Sans hésiter, je le suis. Embarquant au passage ce qui me tombe sous le sens – les clés de ma maison, de l’argent liquide, ma carte d’identité, ma carte de crédit, mon portable.

Les éclairs sans tonnerre se multiplient. La guerre nucléaire est déclarée. Le nuage radioactif rampe. Question de minutes. Il n’est pas dit que nous nous en tirerons si nous nous mettons à l’abri, mais nous n’avons pas d’autre choix.

Les refuges anti-atomiques débordent. Nous cherchons ailleurs. Je suis mon père, sans réfléchir. Il me guide jusqu’à une boîte tendance de la capitale londonienne. En sous-sol, mi-hammam mi-spa. Une atmosphère lounge au carrelage bleuté, au sein de laquelle nous nous lovons sans plus penser à rien.

Saut. Je marche dans Londres. La capitale est totalement désertée. Je ne sais plus où j’en suis. Je me souviens de mon portable. Appelle chez mes parents. Les lignes téléphoniques aboutissent à Genève. Déconnent. Je persiste. La batterie est presque à plat, je n’ai plus mon chargeur. Mon père au téléphone:

«Allô papa? Où es-tu?»

«Je suis à la maison…»

«Mais… pourquoi est-ce que tu as disparu?»

«Disparu? Je n’ai pas disparu… Si tu te souviens bien, maman n’était pas en forme hier soir… C’est pour ça que nous sommes rentrés à la maison…»

Ben oui. Ses mots suffisent pour que le cauchemar éclate en simple bulle. Il n’y a pas eu d’attaque ni de riposte nucléaire.

C’est important. D’autant plus essentiel que pour la première fois depuis le 15 janvier 2007, depuis que mon papa est mort, je ne rêve plus de lui malade, en rémission ou guéri. Que pour la première fois je rêve de lui sans aucun rapport avec son cancer.

Il m’aura fallu quasi une année pour y parvenir.

Et maintenant, l’espoir.

Superbia

En préambule à ce que je pourrais appeler une «anecdote sociologique de Noël». Je vais parler d’orgueil et je vais parler d’un homme. Mais vu que la susceptibilité des genres s’est exacerbée depuis un certain mois de mai, je tiens à préciser que je vais avant tout parler de la superbe humaine. Autant pour les chiennes et les chiens de garde. Fin du préambule.

Le soir du 24 décembre, après avoir fêté un étrange «non Noël» - toutefois heureusement agrémenté de nourritures spirituelles et de nourritures terrestres – ma mère, ma sœur et moi avons été invitées à aller boire le café chez les voisins. Chez X, la fille d’amis à mes parents, et son compagnon. Etaient également présents les parents de X, son frère et sa femme. Les parents du compagnon et son frère.

Avant le café, nous avons eu droit au dessert. Salade de fruits et bûche. Avec une incontournable giclée de «péteux». «Chin-chin!» Sans prendre la peine de goûter au nez, je m’envoie une gorgée. Pfouark! «Bouchon!», que je m’écrie, simultanément à ma frangine. Intervient alors le frère du compagnon. Il renifle précautionneusement, teste du bout des lèvres, puis livre son analyse:«Non, non… c’est juste que c’est un brut… Et les brut, ils sont souvent… assez brut…» Les autres s’y essaient. Le verdict de départ se confirme: bouchon, plutôt deux fois qu’une. Le compagnon de X ouvre une nouvelle bouteille. Bonne celle-là. «Chin-chin!» Tous de se souhaiter d’excellentes Fêtes.

Sauf le frère du compagnon. En bout de table, il explique à qui veut l’entendre, grimace à l’appui, qu’il a aussitôt senti que la première bouteille était bouchonnée. Parce que «même si les brut sont brut, ça ne trompe pas!» Pris en flagrant délit d’ignorance, il en rajoute, encore et encore.

Le fou rire me monte à la gorge. J’évite de regarder ma sœur, sans quoi. Voilà bien une personne qui étale sa culture comme on étale la confiture, dépourvue de cuillère à pot. Serait-ce l’esprit de Noël? Ce soir-là, je trouve le frère du compagnon touchant.

Hors de cet esprit, je trouve son comportement inquiétant. Une mauvaise foi qui nous concerne tous. Qui devrait tous nous faire réfléchir, par-delà l’orgueil mal placé. Par-delà l’orgueil tout court.

Etant évident que l’orgueil est l’antithèse de l’estime de soi, sur laquelle on construit sa relation à l’Autre, au monde. Sur laquelle on construit le monde où nous vivons.

Chin-chin!

12/22/2007

Buon Natale

Noël. Voilà bien une fête qui ne m’a jamais parlé. Sauf peut-être quand j’étais toute petite – ce ne sont pas des souvenirs, mais à en croire mon sourire et mes yeux qui brillent sur les clichés. Par la suite j’ai rapidement décroché et ça ne m’est jamais revenu. Je n’ai pourtant pas cessé d’être une grande enfant – ceux qui me connaissent pourront confirmer. Impossible d’expliquer ce désamour. Ça m’a passé, c’est tout.

La magie de Noël. Ces derniers jours, je confine plutôt à l’écoeurement. Même si je n’ai rien d’une ascète – ceux qui me connaissent pourront confirmer – la frénésie d’achats m’évoque plus la décadence de la Rome orgiaque qu’autre chose. La magie de Noël. Même si je n’ai rien d’une écolo radicale – cf. les billets sur le foie gras – les décorations lumineuses me donnent des envies de chasse au gaspi.

Noël, c’est l’occasion de faire des cadeaux à ceux que l’on aime, dans la symbolique du don. Ah oui, et nous avons besoin d’une date obligatoire pour nous le rappeler? Noël, c’est l’occasion de se réunir avec ceux que l’on aime. Ah oui, et nous avons besoin d’une date obligatoire pour y parvenir? Noël, c’est la Nativité, la naissance de Jésus le Christ notre Seigneur. Ah oui? Et pourquoi pas l’arrivée du Père Noël par la cheminée, tant qu’on y est.

Noël ne représente rien pour moi. Mais puisque l’on n’échappe pas facilement au «conditionnement» culturel au sein duquel on a grandi, ce Noël sera surtout à mes yeux le premier sans mon père. En quarante ans d’existence, voilà qui souligne douloureusement le vide.

Des images me remontent du Noël de l’année précédente. Papa venait de sortir de l’hôpital de Rolle, où il avait suivi une pseudo rééducation pulmonaire après son opération. La douleur ne le quittait pas, mais les pontes de l’oncologie nous avaient rassurés en nous affirmant que c’était normal suite à une si lourde intervention. Je me suis demandé depuis si on ne l’avait pas laissé rentrer à la maison tout en sachant pertinemment qu’il était condamné, pour qu’au moins il puisse partager ses dernières fêtes avec ses proches. Hypothèses torturantes et stériles que je préfère ne pas creuser – à quoi bon?

Nous avions rassemblé une nombreuse tablée dans la villa de mes parents. Il m’en reste le sentiment d’une atmosphère décalée, quasi schizophrénique. Tout le monde faisait semblant de croire qu’il s’agissait d’un Noël habituel, mais personne n’était dupe. Nous paraissions d’exécrables acteurs embarqués malgré eux dans une mauvaise pièce de théâtre. Un exemple parmi mille autres: lorsque mon père, pris d’un soudain regain d’énergie, s’était levé pour danser un tango avec ma tante, aussitôt ma mère s’était ruée sur le caméscope. Je n’avais pipé mot, mais ça m’avait profondément choquée. Comment exprimer mieux, dans le non-dit environnant, qu’il fallait l’immortaliser avant qu’il ne soit trop tard?

Ce soir-là, j’ai joué mon rôle comme les autres. En totale dualité. Je mangeais, je buvais, je riais. Et parallèlement j’observais papa. Qui, d’une certaine manière, n’était déjà plus le papa que je connaissais. Tellement silencieux à son bout de table. Un peu déjà ailleurs. Parti. Pour une part centré sur la souffrance qui le travaillait sans relâche. Pour une part pété à la morphine. Parti comme quelqu’un qui n’avait plus que vingt jours à vivre.

Des images épouvantables, qui me ratatinent le cœur aujourd’hui encore. Et pourtant, étrangement, de belles images aussi. Apaisantes. La Faucheuse qui rôdait dans les coins, réclamant son dû, n’est pas parvenue à nous plomber définitivement l’ambiance. Parce qu’il y avait cette aura qui émanait de lui, de papa: où il nous disait, même sans parler, combien il était pleinement heureux d’être avec nous et combien il nous aimait. Une aura que nous lui renvoyions, instinctivement, sans qu’il nous soit nécessaire d’y penser rationnellement. Une aura qui, d’écho en écho, a fini par nous illuminer entièrement. Non que la mort ait disparu, non que nous cherchions à la nier. Elle revenait simplement à sa juste place. Celle d’un événement inéluctable, certes terrifiant mais naturel, qui en aucun cas ne nous dépouillait de la force d’amour que nous partagions.

C’est pour ça, pour cet inestimable vécu, que je vous souhaite à toutes et à tous un Joyeux Noël.

Ma façon à moi de vous souhaiter une Joyeuse Vie.

12/21/2007

La vengeance des canards masqués

Les thèmes d’actu, c’est comme la mayonnaise: parfois ça prend, parfois ça ne prend pas.

Quand ça prend, ça tourne aussitôt en boucle dans les médias. Impossible alors d’ouvrir un journal, de regarder la TV, d’écouter la radio, de consulter le net, sans tomber sur un article, un billet d’humeur, un éclairage, un reportage, une enquête. En bloggeuse qui se respecte, je suis logiquement le mouvement.

Le thème du moment, Fêtes de fin d’année obligent, c’est le foie gras. J’en avais déjà parlé à l’occasion de la campagne «préventive» de la section vaudoise de la Protection suisse des animaux. Une campagne qui apparemment n’est pas restée sans effet.

Joignant le geste à l’idée, un petit malin cagoulé s’est introduit dans une boutique spécialisée de Lausanne. Il a lancé un saut de peinture avant de s’enfuir. L’action a peu après été revendiquée par «les canards masqués». Dans leur mail, ils dénoncent les conditions d’élevage et le gavage de «plusieurs dizaines de milliers de canards et d’oies qui sont torturés chaque année pour garnir les assiettes d’une habitude culturelle barbare». Ils exigent «l’abolition» du foie gras.

Pour avoir déjà exprimé mon sentiment, je ne me pencherai pas sur le fond de l’affaire. Ce qui me dérange, dans cette démarche – outre l’atteinte à la propriété d’autrui – c’est l’anonymat de ses auteurs. A tout choisir, je «préfère» encore José Bové lorsqu’il va démonter un McDo. Il a au moins le courage de le faire à visage découvert et d’assumer son credo jusqu’au bout.

Les «canards masqués» ne sont ainsi que des poules mouillées. Qui, comme tous les lâches, ont l’anonymat pour seule identité.

12/17/2007

A endosser le manteau blanc

Gamine, j’adorais la neige. Il y en avait des masses dans le village où j’habitais. De quoi faire de la luge au jardin, des batailles de boules avec papa, ma soeur et les voisins, créer des bonshommes, carotte en guise de nez. J’adorais la neige en plaine . J’adorais la neige en montagne. Pas totalement à l’aise en bob. Pas totalement à l’aise à ski. Mais je m’amusais. Je m’éclatais comme une bête, et c’était jouissif.

Grandissant, je me suis mise à détester la neige. Ado, il ne fallait même pas m’en parler. Que ce soit en plaine ou en montagne, c’était berk, c’était pfouark! En plaine il n’y avait que de la «pètche», grise et polluée, qui salissait les vêtements. En montagne, il faisait trop froid pour que je puisse seulement entrer en matière.

Vieillissant, ou mûrissant – les deux, c’est selon… - l’amour de la neige m’est progressivement revenu. Avec un de ces compromis dont les adultes ont le secret.

Je n’aime toujours pas la neige en plaine, j’y vois plus de désagréments qu’autre chose. Mais la neige en montagne… ah, la neige en montagne!

La féerie, la magie à nulles autres pareilles.

Cette année, j’endosse à nouveau le manteau blanc.

Ni en luge, ni en bob, ni à ski.

Cette année, je me suis acheté des raquettes, des guêtres, des bâtons.

Un plaisir nouveau éclos sur un souvenir ancien.

Et je remercie, de tout cœur, celui qui m’a ouvert cette porte.

Asbestos

Bien sûr que l’on devient plus sensible à un sujet lorsque l’on est concerné, de près, de loin ou de moins loin. Ceci expliquant cela, on comprendra que j’aie sauté en l’air quand j’ai lu dernièrement dans la presse régionale que Genève se décidait finalement à débloquer plusieurs millions pour assainir les bâtiments publics qui contiennent de l’amiante. Evidemment ce ne sont pas ces millions qui me donnent de l’urticaire, mais bien le fait qu’il y ait encore des lieux pourris de cette substance dont on sait depuis longtemps qu’elle est cancérigène. Et des lieux publics qui plus est, donc soumis à une administration qu’on imagine mal ne pas être au courant. Parmi tant d’autres, le Cycle d’orientation, où gravitent de nombreux enfants. Une des profs souffre d’asbestose, le directeur est atteint d’un cancer du poumon. Pourtant tant les adultes que les gosses restent là, attendant patiemment que l’administration se débrouille de ses méandres kafkaïens. X mois pour discuter si oui ou non il faut investir de l’argent. X mois pour chipoter sur l’argent à investir. X mois de plus pour mettre en œuvre. X mois supplémentaires pour aboutir à l’assainissement. Pendant ce temps, les adultes et les gosses restent là. Sachant qu’avec l’amiante chaque seconde compte, qu’il suffit d’inhaler ou non l’équivalent d’un milliardième de poussière, j’en ai froid dans le dos pour toutes ces personnes, petites et grandes.

Celles qui sont déjà malades ont tiré la sonnette d’alarme les premières. Suivent maintenant les parents qui, après s’être laissé rassurer par des propos lénifiants, commencent à s’inquiéter pour leurs rejetons. Si on envisage d’assainir, c’est bien qu’il existe un danger, non ? Et d’exiger des contrôles médicaux poussés.

C’est juste. Réagissez, réagissez, et insistez!

Si ça se trouve, hélas, pour les générations à venir. Parce que, plagiant le terrible titre d’un livre de Gilbert Cesbron, il est peut-être «plus tard que vous ne le pensez».

L’amiante est une substance vicieuse, capable de demeurer latente pendant des décennies. Mais lorsqu’elle se manifeste, il est, justement, trop tard. Je l’ai appris aux dépens de mon père, il n’existe à l’heure actuelle pas de traitement. Les victimes meurent en quelques semaines, au maximum en quelques mois, dans d’horribles souffrances - et ce malgré l'apport de soins palliatifs comme la morphine.

Réagissez, pourtant, adultes malades et parents inquiets! Réagissez et insistez!

Pour se battre, il n’est jamais trop tard.

12/11/2007

Tong

Les perles ne se voient pas forcément au cinéma, sur DVD, à la TV. Certains "avant-bijoux" ne se trouvent que sur le net, et on ne peut que leur souhaiter une réussite largement méritée.

Ainsi "Tong", délice d'humour décalé, oeuvre d'étudiants de l'ESMA - Ecole supérieure des métiers artistiques, à Montpellier, France.

Et merci au site chicheux.ch, source d'inépuisable bien qu'inégale inspiration.


Tong
envoyé par nicop

12/10/2007

J'enterre le calumet de la paix

Et j’entre en guerre.

Comme tout drogué qui se respecte, il y a (trop) longtemps que je me contente de la phrase: «Demain, j’arrête!» Ce qui est toujours mieux que: «Boh, moi, j’arrête quand je veux!»

Certes. Mais maintenant j’ai envie de, je veux, je vais passer à l’étape suivante. Non que je me flagelle. Je suis de ceux qui ont besoin de laisser mûrir en esprit avant d’entrer en action. Et une fois que la décision est prise…

La décision est prise.

J’avais déjà la motivation. J’étais déterminée à me battre seule. Mais ce que je viens d’apprendre sur le blog de mon amie Mél me motive encore plus.

Ainsi nous serons deux. Deux pour lutter, nous soutenir, nous encourager. Ensemble.

Ensemble nous allons dire un gros FUCK! à cette merde. Ensemble nous allons reprendre notre LIBERTE!

Non parce qu’il s’agit de «mourir en bonne santé». Mais par respect envers nous-mêmes. Parce que nous le valons bien. Parce que nous valons mieux que cette soumission volontaire à l’esclavage.

Je me rappelle mon père, quand il a arrêté. Des semaines durant, il s’est baladé avec sa dope dans la poche de sa chemise. Et chaque fois que le manque le saisissait de ses tenailles, il ricanait et s’exclamait à voix haute: «Ha, ha! Essaie toujours! On va voir qui est le plus fort de nous deux!»

Il a été le plus fort. Nous serons les plus fortes. Parce que nous le voulons, et plus que bien.

Comment? Quelle dope? Ah oui, je n’ai pas précisé. Héroïne, cocaïne, alcool, shit, crack, ecstasy, jeux, travail, argent, relations, etc, etc?... Ce qui précède est valable pour toutes les dépendances possibles et imaginables – et l’Humanité ne manque pas d’inventivité dans ce domaine.

Quant à nous, ce sera le pays des cow-boys, les dromadaires, les filles de capitale française…

Quant à nous, nous allons dire un gros FUCK à la CIGARETTE !

12/06/2007

Au pied de la cabane Bertol


Au pied de la cabane Bertol
Originally uploaded by Mafalda67
Ma poulette... soeurette chérie...

A Hyères


A Hyères
Originally uploaded by Mafalda67
Maman chérie...

Le livre de la vie

Une page qui se tourne? Un chapitre qui commence?

En ce jeudi 6 décembre 2007, ma mère a déménagé. Elle a quitté la maison que mon père avait achetée, pour s’installer dans l’appartement qu’elle a acheté. Une grande première pour elle, qui jusqu’ici ne s’était jamais occupée de ce genre de démarches.

Alors bien sûr, elle a la chance de ne pas connaître de soucis financiers, merci à mon père qui a fait tout ce qu’il fallait pour. Mais cela n’ôte rien à son courage, celui qu’elle n’a cessé de montrer depuis la mort de papa. Elle a énormément souffert, elle souffre toujours énormément, pourtant elle n’a jamais baissé les bras. Elle continue d’avoir foi en l’existence, d’autant plus sincèrement qu’elle sait désormais intimement ce que l’existence peut réserver de douleurs. Je suis sûre que mon père serait fier d’elle, comme ma sœur et moi sommes fières d’elle. Une profonde gratitude pour ce si bel exemple de force.

La maison où ils ont vécu, où nous avons connu en famille des moments de bonheur et de tristesse, appartient dès aujourd’hui à monsieur X, sa femme, et leur petite fille. Qu’ils y vivent heureux, c’est ce que je souhaite – une manière parallèle de perpétuer la mémoire de mon père.

Pour maman, ce soir, ce sera «ground zero» - une première nuit dans un endroit neutre. «Je n’ai pas abandonné papa», m’a-t-elle dit au téléphone, «Je l’ai pris avec moi…» Je le savais, je n’en ai jamais douté. Tout ce qui compte à mes yeux, c’est qu’elle se sente bien avec son choix, ce qui est le cas malgré le stress compréhensible que cela génère. Qu’elle poursuive dans sa voie à se donner les moyens de se reconstruire après le cataclysme. Et je me réjouis déjà des instants que nous partagerons dans son nouveau chez elle.

Une page qui se tourne? Un chapitre qui commence?

Un peu des deux.

Quelle magnifique leçon de vie. Quelle magnifique fortune que de tels parents.

12/05/2007

Le chevalier de l'ombre

Le sombre chevalier

The Dark Knight

Merde! J’ai une grosse colère contre le marketing!

Je racontais dernièrement mon coup de foudre durable pour le film «Batman begins». Cherchant sur le net des informations histoire d’écrire un billet le plus complet possible, je suis tombée sur l’annonce d’une suite. Non que je me fasse du souci pour ce nouvel opus, réalisé par le même génial réalisateur, Chris Nolan, avec dans le rôle-titre le même génial acteur, Christian Bale.

Ce qui me met hors de moi, c’est qu’il me faudra attendre jusqu’en… août 2008.

Ok, commercialement, c’est de bonne guerre. Mais cela me gave de devenir otage d’un suspens préfabriqué.

Je ne peux m’en prendre qu’à moi.

Parce que malgré tout il m’arrive de souhaiter que, SVP, mon dieu ou qui de droit, faites que je ne meure pas avant.

La palme de l'absurde

Déjà que je deviens de plus en plus sceptique face aux grands raouts pseudo-sportifs de tous genres – oui, oui, c’est bien moi, fana de foot, qui l’écris… Là, toutefois, on fait plus fort que le Roquefort!

J’ai nommé, les JO de Pékin.

Sans épiloguer sur des «détails» comme les droits de l’Homme, la peine de mort, les expropriations massives d’habitants modestes pour construire à tout va une capitale flambant-neuve… Si je dis «smog, ozone, dioxyde d’azote, particules fines, chaleur et humidité», on pensera que je viens de décrypter un Xe rapport sur les dangers du réchauffement climatique.
Que nenni, je me suis contentée de lire un article du Temps présentant les conditions réelles dans lesquelles les sportifs du monde entier vont se mesurer.

Le CIO a estimé que ces autres «détails» ne valaient pas qu’on remette en question la candidature chinoise – politique et surtout économie obligent. Alors certainement que les associations sportives des nations sont montées au créneau? Ben non, pour les mêmes raisons. Mais tout de même, elles ne sont pas restées les bras croisés. Ainsi, apprends-je, Swiss Olympic recommande vivement aux athlètes helvètes de s’inscrire pour tester une chambre climatique spéciale mise au point par l’EPFZ (Ecole polytechnique fédérale de Zurich). Cette invention permet de s’essayer à la chaleur, à l’humidité et au smog, de simuler les conditions de pollutions extrêmes, «équivalentes à une agglomération urbaine de type hyperactive». Mets ça dans ta poche, et ton mouchoir par-dessus. Malgré l’apport de la haute technologie, tempèrent les médecins, les sportifs préparés souffriront de «diarrhées, problèmes respiratoires, troubles du sommeil ou de dérèglements psychiques». Bah, juste quelques «détails» de plus.

Et les athlètes, qu’en pensent-ils? Il y a les pragmatiques. Ainsi un marathonien suisse, qui explique: «Notre discipline est largement dominée par les Kenyans. Or ces athlètes ne sont pas habitués à la pollution. Pour moi il s’agit d’une chance unique.» Ou encore les hallucinés primaires: «Franchement, il n’existe rien de plus prestigieux et de plus magique que les Jeux… je ne réfléchirai pas aux détails extrêmes», déclare sans ambages une coureuse de 200 mètres.

Puisque tout le monde est content, je ne vais pas faire ma rabat-joie. Je resterai dans mon coin avec une vision apparemment désormais ringarde du sport.

12/02/2007

J'ai élu le plus beau pédé de Suisse romande!

La Une était pipole aujourd’hui dans le Matin Dimanche. Retour sur l’élection, vendredi soir à Montreux, de Mister Suisse romande. A l’occasion de cette interview, Olivier, Neuchâtelois de 31 ans, révélait notamment une homosexualité parfaitement assumée. Et disait son espoir, par la visibilité de ce titre, de faire avancer les mentalités dans ce domaine.

A entendre une discussion de la brasserie où je buvais mon café, il y a encore du pain sur la planche.

«Je n’y crois pas!», s’exclamait le patron de l’établissement, «J’ai élu le plus beau pédé de Suisse romande! C’est scandaleux!»

«Et scandaleux aussi que le journal en parle!», renchérissait sa femme, «Imaginez, il y a des enfants qui peuvent lire ça! Et qu’est-ce qu’ils vont penser? Ils vont penser que tout est permis, qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent!»

«Moi, ce que je trouve dégueulasse», ajoutait un autre compagnon de tablée, «c’est qu’on va croire que pour être beau, il faut être pédé!»

«Ouais mais bon», reprenait la femme du patron, «si tu réfléchis, c’est normal qu’il ait gagné... Soins du visage, manucure, esthéticienne… c’est bien connu, les pédés, ils adorent ça!»

La conversation s’est poursuivie quelques minutes encore dans ces eaux-là.

Outre la nausée qui me montait à la gorge, ce qui m’a le plus effrayée, ce sont les enfants qui étaient assis à la table. Et qui hochaient vigoureusement la tête à chaque phrase de leurs parents respectifs.