6/29/2007

Papa en archives

Ça fait drôle, dans le sens de bizarre, de retrouver le parcours de son père sur un site éminemment non personnel. Ça fait drôle, et pourtant c'est lui. Certes d'apparence professionnelle uniquement, mais c'est bien lui. Tel qu'il m'a accompagnée durant mon enfance, durant mon adolescence, tel qu'il m'a accompagnée dernièrement. Parce que s'il avait une vie intime entièrement réalisée, son travail en faisait également, pleinement, partie. Et parce que je l'admirais, aussi, pour cette réussite...

"La firme industrielle neuchâteloise Suchard a été fondée en 1826 à Serrières par Philippe Suchard (1797-1884). La florissante entreprise chocolatière est longtemps restée en mains familiales. En 1884, après le décès prématuré de Philippe Suchard fils en 1883, l’entreprise revient au gendre du fondateur, Carl Russ-Suchard (1838-1925). Son fils, Willy Russ (1877-1959) lui succède en 1925. Par sa constitution en Société anonyme en 1905, la création de succursales à l'étranger, notamment à Bludenz en Autriche, à Lörrach en Allemagne et à Strasbourg en France, et la création de Suchard Holding en 1930, la firme prend progressivement la forme d’une multinationale. En 1970, le rachat de Tobler par Suchard Holding donne naissance à Suchard-Tobler.

L'histoire récente de Suchard est faite de rachats et changements de nom successifs: en 1982, la Société des cafés Jacobs et Suchard-Tobler fusionnent pour former Jacobs Suchard Tobler. En 1990, Jacobs Suchard Tobler rejoint le groupe Philip Morris. Ensuite, dès 1993, à l'intérieur du groupe Philip Morris, Kraft General Foods Europe et Jacobs Suchard sont réunis pour constituer Kraft Jacobs Suchard (KJS). Le 30 mars 1993, KJS ferme la fabrique Sugus à Serrières, dont la production est transférée à Reims. En décembre 1993, KJS transfère son administration à Zurich et une partie du personnel à Berne. Le 30 juin 1996, KJS ferme son centre de Recherches et Développement Confiserie de Neuchâtel-Serrières, ultime département à quitter Serrières, et le transfère à Munich. En 2000, KJS est rebaptisé Kraft Foods et continue de commercialiser les produits Suchard."

Big Brother

Signe de nos temps. Qui n’a jamais fait ça: une nouvelle connaissance, on entre ses nom et prénom sur le net, juste pour voir. Je me suis livrée à ce petit exercice avec mon nouveau pote américain de MySpace – qui, par souci de rectification, n’est pas du Wisconsin, mais du Minnesota.

Ses nom et prénom, il ne s’en cache pas. Plus l’Etat. Trop facile. Dès le quatrième ou cinquième lien, bingo. XY, habitant dans la ville de ***. Tiens, tiens, je m’en vais aller jeter un coup d’œil sur l’annuaire en ligne, histoire de savoir si je peux découvrir une adresse plus précise. Trop facile encore. Non seulement il habite toujours ***, mais j’ai désormais son adresse exacte, son numéro de téléphone et la dizaine de lieux où il a vécu auparavant, ainsi que, en prime, le prénom de sa femme.

Outre la réflexion sur le fait que mon petit copain des States n’est pas très prudent, grillant les règles de base de l’anonymat sur internet – encore qu’on pourrait sûrement me reprocher d’en dire trop sur moi-même malgré une discrétion apparente et me rétorquer qu’une recherche un peu serrée aboutirait également à un résultat en ce qui me concerne… - ce qui m’a foutu les boules, c’est une option du site white-pages.numberway.com. Deux liens formulés comme suit:

Does XY have civil court records in the state of Minnesota?
Does XY have a criminal record in Minnesota?

Interloquée, j’ai cliqué. Ce service d’«utilité publique» (si le sarcasme n’est pas suffisamment évident, je le souligne) est proposé par un site intitulé intelius.com. Payant, cela va sans dire. Il offre notamment, pour la modique somme de 44,96$, un «background report» qui inclut:

Criminal check
Sex offender check
Bankruptcies and liens
Small claims and judgments
Address history
Relatives and associates
Neighbors
Neighborhood info
Home value and details
Satellite and map images
Alias names
Much more…

Pour la modique somme supplémentaire de 9,95$, il est possible de devenir membre d’intelius et de bénéficier ainsi d’un rabais de 10% sur toutes les transactions sur une année, y compris la transaction courante.

De quoi en avoir froid dans le dos, non? Je ne sais pas si c’est une sensibilité orwellienne qui s’exprime soudain, mais j’espère que ce que je pense une tendance typiquement outre-Atlantique n’est pas en vigueur chez nous, i.e. en Europe. Et que si elle devait pointer le bout de son nez, nous saurons y résister de toutes nos forces.

Cela étant dit sans naïveté aucune: nous sommes déjà tellement traçables que ce serait un leurre d’aveugle forcené que de croire encore à la notion, ridiculement foulée aux pieds, de protection de la sphère privée.

6/26/2007

A bon détracteur, salut!

Le net, c’est superficiel! On passe son temps à blablater aux quatre coins de la planète alors que l’on ne sait même plus adresser la parole à son voisin! Le net, c’est le symptôme de la maladie des temps actuels: solitude urbaine aggravée de nombrilisme masturbatoire! Le net, c’est le diable nouveau! Vade retro webanas! La preuve: il faut désormais des médecins pour traiter les addicts, qui se mettent à trembler, suer, baver, dès que leur connexion ADSL tombe en rade!

Flûte! (pour rester polie) J’en ai marre de ces remontrances naturalistes. Qu’on me pardonne, même si j’estime que je n’ai pas à être pardonnée, mais internet, c’est génial. Trop de la balle, pour dire. Un outil magnifique. Je l’aurais inventé s’il n’avait pas existé. Ludique, interactif, passe-frontière… que demander de mieux?

En tout cas, moi, ça m’éclate. J’ai créé dernièrement ma page MySpace, et je m’amuse comme une petite folle. A discuter avec Tartempion du Wisconsin, Etats-Unis, avec Bidule de Torino, Italie, avec Machine de Mönchengladbach, Allemagne, à créer des réseaux. Non que j’en attende quoi que ce soit, c’est juste pour le plaisir. Là réside sûrement ce que les emmerdeurs ci-dessus ne comprennent pas: le plaisir. Internet c’est, entre autres, un joujou. Et pour profiter d’un joujou, pas de miracle, cela suppose d’avoir gardé son âme d’enfant.

Après, c’est comme pour tout le reste. L’outil doit demeurer un outil et ne pas devenir le maître d’un esclavage. Si internet disparaissait? Je vivrais sans, passerais à autre chose, point barre.

Après, c’est comme pour tout le reste. Les jeunes cons grincheux sont des jeunes cons grincheux, les vieux cons grincheux sont des vieux cons grincheux. Pas une fatalité, on peut leur souhaiter de changer, d’évoluer.

«Mafalda la curieuse», ainsi que me définit ma page MySpace. On ne saurait mieux résumer.

6/25/2007

On The Road

A en croire certains partis politiques, le développement personnel, c’est has been. A en croire ces partis, le trend du trend de la tendance, c’est la famille. «Brand new family», comme on disait outre-Atlantique fin des années 70 début des années 80. La panacée pour lutter contre tous les extrémismes – communisme et ses dérivés à gauche de la gauche – toutes les déviances – drogue et sexe et sexe et drogue. La panacée aujourd’hui encore pour lutter contre tous les extrémismes – droite et droite de la droite, gauche et gauche de la gauche – toutes les déviances – drogue et individualisme et nombrilisme et drogue.

A en croire ces partis, mais sans compter les développements génético-technologiques. Lassée du prosélytisme des spiritualités occidentales et du soi-disant non-évangélisme des spiritualités concomitantes. Lassée de leurs tentaculaires correspondances – et yoga et qigong et tai chi et bouffe macrobiotique et manuel chrétien à l’usage des automobilistes et hara hachi bu et kick boxing aerobic et comment faire son bonheur en 100 leçons et relaxation pour cadres stressés entre deux conseils administratifs et séminaire à la recherche du point G et botox et bistouri et stage sur les flancs de l’Himalaya et médium pour retrouver les méthodes naturelles de ma grand-mère.

Lassée, je m’en suis remise au net. Lassée, je suis tombée sur la perle rare.

www.myowngens.com

Cet institut très peu connu est établi à Boston, dans le Massachusetts. Il collabore étroitement avec le MIT, la NASA, et par contrats temporaires avec l’EPHZ de Zurich et l’EPFL de Lausanne.

N’y va pas qui veut. Si j’ai pu y mettre mon nez, c’est grâce à mon carnet d’adresses, mes contacts en tant que journaliste.

Que propose-t-il, ce site ? Rien de plus qu’un catalogue de vente à distance. Une nuance toutefois: on n’y choisit aucun accessoire. Ce qu’on y achète, c’est soi-même.

La démarche, dès lors que l’on possède les clés pour y pénétrer, est on ne peut plus simple. Il suffit d’entrer des paramètres aussi basiques que la date de naissance, la grandeur, le poids, l’affinement physique (couleur des yeux, des cheveux, teint de la peau, contours paramétriques…) et l’affinement psychologique (préférences multiples, culture oui ou non, arts oui ou non, sports oui ou non, hobbies oui ou non, relationnel oui ou non, professionnel oui ou non, etc…).

Il suffit d’entrer des paramètres personnels dans la banque de données, de mettre tout ça dans son panier, de payer grâce à sa carte de crédit et d’attendre les propositions de commande.

Je l’ai fait. Et voici les clones que j’ai reçus pour achat en retour.

Jack Kerouac. A passé la majeure partie de sa vie d’adulte partagé entre les grands espaces américains et l’appartement de sa mère. Paradoxe à l’image de sa vie: confronté aux changements rapides de son époque, il a éprouvé de profondes difficultés à trouver sa place dans le monde, ce qui l’a amené à rejeter les valeurs traditionnelles. Ses écrits reflètent cette volonté de se libérer des conventions sociales étouffantes de son époque et de sa quête d’un sens à son existence.

Martin Mickael Plunkett. A passé la majeure partie de sa vie à tuer sur la route pour échapper aux démons de son enfance. Pas d’excuse: froid, rigide, sans remord. Il n’offre pas le moindre espace à l’empathie On ne peut que l’imaginer sur la table finale, à recevoir dans ses veines la solution létale qui le châtiera au-delà. Et puis non. Ne serait-ce que parce que je ne souscris pas, ne souscrirai jamais, à cette peine inhumaine. Cette peine inhumaine qui correspondrait trop bien à celui qui la provoque, comme s’il fallait appliquer son bon vouloir, comme s’il fallait le reconnaître là où on n’a pas envie de le reconnaître. Au fil, on en vient à le comprendre petit à petit, à partager et désirer fuir ses cauchemars. On en vient, même si au fond de soi on freine des quatre pieds, à fraterniser avec lui. On en vient à plus que ça: on sent que l’on est son frère, pour ne pas dire que l’on est lui.

Entre Jack Kerouac, en proie au risque du non-sens, et Martin Plunkett, en proie au risque de l’anéantissement. Je me cherche.

Et j’aime à me dire, malgré mes 40 ans, que je ne relève ni des croyances occidentales, ni des croyances orientales, ni des développements génético-technologiques.

Que je ne relève ni de Jack Kerouac, ni de Martin Plunkett.

Et que si l’un et l’autre s’espacent en moi, je n’ai besoin d’aucun site, occidental, oriental, génético-technologique, pour me reconnaître.

Entière. Mafalda.

***

Merci «On The Road» / Jack Kerouac – «Killer On The Road» / James Ellroy

6/22/2007

Laissez-moi partir

J’ai peu de souvenirs de mon enfance. J’avais peu de souvenirs. Depuis la mort de mon père, ils reviennent en masse.

La petite Mafalda avec sa frange coupée au cordeau sur les yeux, sa queue-de-cheval. Dans la maison familiale, elle dresse l’oreille. Un bruit de moteur. La rumeur d’une voiture. La voiture de papa. Papa rentre. Joie. La petite Mafalda saute de joie. Je saute de joie. Papa rentre. Et je l’accueille. Sautillante, trépidante. La frange et les cheveux au vent. Et je me précipite, bras ouverts, à son cou. Papa, mon papa, mon papounet, je suis si heureuse de te retrouver…

Je me vois tomber
Sans me retenir
Je me vois voler
Le temps d’un soupir

Je me vois pleurer
Ça me fait sourire

Je n’ai pas peur de mourir
Je vous laisse l’avenir
Je ne veux plus vivre ici
Laissez-moi partir
Laissez-moi partir

Je ne vois plus rien
Aucun souvenir
Qu’une vie de chien
Sans aucun plaisir

Laissez-moi crever
Je veux en finir

Je n’ai pas peur de mourir
Je vous laisse l’avenir
Je ne veux plus vivre ici
Laissez-moi partir
Laissez-moi partir

Je me vois tomber
Sans me retenir

Laissez-moi crever
Je veux en finir

Je n’ai pas peur de mourir
Je vous laisse l’avenir
Je ne veux plus vivre ici
Laissez-moi partir
Laissez-moi partir

Laissez-moi partir
Laissez-moi partir

Laissez-moi partir

Laissez-moi partir

Cox / Rien à perdre

Noël 2006


Noël 2006
Originally uploaded by Mafalda67
Et il disait, entre deux silences, quand il pensait que personne ne l'écoutait: "On voit que c'est moi le malade, ici..." 22 jours avant.

6/20/2007

Tue-moi

Goût de métal
Qui me monte à la bouche
Comme une balle
Que tu tires qui me touche

La douleur
Ne me quitte pas
Je ne te laisse
Pas le choix

Tue-moi
Tue-moi
Mon amour
Mon amour

Sauve-moi
Tue-moi
Pour qu’enfin
Je ne sente plus rien

Des mots qui me font mal
Qui me collent à la peau
Comme une lame
Un couteau dans le dos

Si
Tu tires
Un trait sur moi
Je ne le supporterai pas

Tue-moi
Tue-moi
Mon amour
Mon amour

Sauve-moi
Tue-moi
Pour qu’enfin
Je ne sente plus rien

Tue-moi
Tue-moi
Mon amour
Mon amour

Sauve-moi
Tue-moi
Pour qu’enfin
Je ne sente plus rien

Tue-moi

Tue-moi

Sauve-moi

Pour qu’enfin

Je ne sente plus rien

Cox au quotidien

6/16/2007

ENUR feat. Natasja - Calabria 2007

Electro-dance bis et re-miam!

Destination Calabria

Alex Gaudino, ragazzo d'Italia. Electro-dance et miam !

6/14/2007

My Mother Says

A quelques détails près, sur la fin, le clip est le même que celui de "My Homeworld". Peu importe, le groove est bon...

Philosophy

Tom Snare's World

Musique. Je n’appartiens à aucun clan, à aucun gang, je n’adhère à aucun genre prédéfini. Eclectique. Ça me parle ou ça ne me parle pas, point barre. Feeling.

Ma révélation du moment, Tom Snare. Electro-dance, si on en croit les descriptifs disponibles sur le net. Révélation renouvelée, en fait. J’avais découvert l’année dernière «Philosophy» par hasard, branchée sur la chaîne TV mcm. Coup de foudre, tant pour le son que pour le personnage du clip – tellement attachant, sans doute la résultante de mon côté irréductible gamine. Flash immédiat. Et d’acheter sur iTunes tout ce que je pouvais trouver, et d’écouter en boucle, des semaines durant.

Temps oblige, la passion s’est quelque peu émoussée. Jusqu’à ce que je découvre dernièrement, sur la même chaîne mcm, «My Homeworld». Bingo et re-flash, toujours aussi excellentissime.

Et «My Mother Says» et «Electro Choc»… Et etc... Je suis tombée follement amoureuse.

Tom Snare’s World, mon univers dans la quatrième dimension.



Plus d'infos ici et .

6/13/2007

Sarko pompette

La vidéo a fait le tour d’internet en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire. Plus d’un million d’internautes l’ont visionnée sur YouTube, sans compter les autres sites et blogs qui l’ont relayée. Depuis, l’Elysée a exigé et obtenu des excuses: le journaliste belge qui avait estimé que le président français n’avait «pas bu que de l’eau» durant son entretien avec le président russe Poutine est revenu sur ses propos.

Reste, malgré le démenti gouvernemental, la question que tout le monde paraît se poser: Nicolas Sarkozy, réputé pour ne pas boire d’alcool, a-t-il dans un moment de faiblesse cédé à la bibine?

Bu, pas bu? Perso je m’en moque. Je trouve ces images trop de la balle! Au point que je vais me les repasser dès j’aurai un coup de blues, tant elles me mettent de belle humeur… ☺

Et le président fraîchement élu de la République va-t-il en être prétérité? Je ne crois pas. Au contraire, je pense que Monsieur et Madame tout le monde vont se sentir plus semblables à lui, à qui on (i.e. la gauche de l’Hexagone dans son ensemble) reprochait d’être coupé du peuple.

L’Elysée a exigé des excuses, cela peut se comprendre. Heureusement il n’y a pas eu de censure, de tentatives d’interdiction. Non seulement ç’aurait été impossible, mais ça se serait révélé contre-productif.

Enfin, je me dois d’avouer que je ne suis pas objective. J’ai sans doute un a priori positif en ce qui concerne Nicolas Sarkozy. Aurais-je été Française que j’aurais voté pour lui. Pas pour l’image, les images, qu’il offre de lui (champion des médias, cela va sans dire!), mais parce que son programme politique correspond à ce que j’attends d’un gouvernant, parce que j’estime qu’il a les moyens de l’appliquer et de sortir l’Etat qu’il dirige d’un bla-bla stérile traditionnel.

Pour le reste, autant ne pas se voiler la face: il n’y parviendra pas. Il se cassera les dents, comme tant d’autres avant lui, sur l’omnipotence dictatoriale des syndicats et sur les innombrables luttes partisanes.

Dommage, ce ne sera pas faute d’avoir essayé. Dommage parce que la France, si elle voulait le voir, mériterait un patron comme lui, histoire de se recentrer sur ses priorités.

Hors de la stricte politique, pour ceux qui n’auraient pas encore vu la (mythique) vidéo:

La persistance du tabou

Comme déjà dit: on trouve de tout sur le net. Y compris des forums dédiés exclusivement au mésothéliome malin, plus communément appelé cancer de la plèvre. Après la mort de mon père, j’ai ressenti le besoin de participer à l’un d’entre eux. Besoin, je pense naturel, d’échanger avec des personnes qui partagent et/ou ont partagé le même vécu que moi. Besoin qui s’estompe petit à petit, si bien que j’espace mes visites et qu’arrivera le moment où je quitterai définitivement. Le contraire m’inquiéterait, en ce qu’il signifierait une tendance morbide à ressasser, à l’image de ces personnes qui n’accomplissent jamais leur deuil, qui font de leur deuil perpétuel leur vie, rituel sinistrement coulé dans un ultime marbre froid. Mais ça, c’est un autre propos.

Or donc, le forum auquel je participe encore sporadiquement est censé apporter des réponses sincères à tous ceux qui sont impliqués de près ou de plus loin dans le cancer de la plèvre. Vœux pieux. Ou foutaises, selon le qualificatif que l’on choisit.

Que je m’explique. En matière de mésothéliome malin, les statistiques sont impitoyables: aucun, et je souligne aucun, cas de guérison n’a jamais été répertorié. Pas même le moindre miracle en provenance du Vatican ou de Lourdes. On ne guérit pas du cancer de la plèvre. On en crève à 100%, avec une espérance de «vie» qui va de quelques semaines à moins d’une année, voire, chez les plus résistants, quelques mois supplémentaires. Et dans quelles conditions? Mais ça, c’est un autre propos.

On ne guérit pas du cancer de la plèvre, il n’y a aucun espoir. C’est une certitude pour l’heure mathématique. Tout le monde le sait, du corps médical à l’entourage, en passant par les malades. Sauf que, chut, il ne faut surtout pas le dire à voix haute, l’exprimer noir sur blanc. Le corps médical est coincé dans son serment d’hypocrite, toujours à la recherche de cobayes prêts, dans leur faim normale de survivre, à tester n’importe quel traitement. L’entourage préfère ne pas savoir, parce que c’est intolérable, inassumable, et parce que de reconnaître une fin inéluctable provoque une culpabilité trop lourde à porter, comme si de ne pas souscrire au message officiel de «on va se battre» équivalait à enterrer le malade avant l’heure, à le trahir. Finalement, c’est souvent ce même malade qui est le plus clairvoyant. Il n’a aucune envie de donner sa bénédiction à ce jeu de dupes, il voudrait se confier, confier ses interrogations, ses douleurs, ses peurs, ses angoisses. Pourtant, dans la crainte de peiner son entourage, il se retient, il prend sur lui. Il reste seul là où il pourrait être accompagné.

Ce message, j’ai tenté de le faire passer sur le forum. D’avancer qu’il n’y a rien de pire que le non-dit, en ce qu’il brouille les cartes d’une situation en soi déjà passablement compliquée. Qu’il ne sert à rien de «parler de la pluie et du beau temps» au malade histoire de lui «changer les idées», parce qu’il ressent plus sûrement qu’à son tour le langage paraverbal qui au fond exprime l’inverse, que n’en résultent que des messages contradictoires qui n’aident nullement, qu’il risque de se sentir infantilisé, réduit à son statut de cancéreux à préserver à tout prix, quand ce qui lui reste lorsque sa dignité physique fout le camp de tous côtés est peut-être précisément sa dignité d’être humain à part entière, avec l’esprit et la lucidité que ça suppose. J’ai tenté de préciser que regarder la vérité en face ne voulait pas dire baisser les bras et se morfondre dans un fatalisme déprimé. Qu’au contraire ça permet de trouver une nouvelle force, un nouveau courage, pour accompagner la personne cruellement atteinte au mieux. Qu’accompagner un malade, terme joliment politiquement correct, c’est aussi cela, même si c’est dur, même si c’est terrible, même si c’est intolérable et inassumable, même si on souhaiterait ne rien savoir.

Ce message, je l’ai enrobé de toutes les manières, ajoutant que je ne détenais pas une vérité absolue, que je n’écrivais que ce que je pensais, qu’il n’y avait pas une façon d’agir juste et d’autres fausses, que cela n’engageait que moi…

Peine perdue. Le politiquement correct, je l’avais brisé. Même si c’est un fait que l’on ne guérit pas du cancer de la plèvre, il ne faut pas le dire. Ceux qui le savent parce qu’ils ont perdu un être aimé dans cette bataille sans lendemain sont les premiers gardiens de la charia. Les premiers à ostraciser tout étourdi qui oserait prétendre autrement.

«Il faut se battre, tant qu’il y a de la vie il y a de l’espoir et l’espoir fait vivre». Tel est l’unique message autorisé.

Je sais bien que l’être humain est programmé pour vivre et que fondamentalement il ne peut pas appréhender la notion de mort. Je sais bien, mais je ne peux m’empêcher de songer que notre société (occidentale, celle que je connais) a un gros problème avec sa propre mortalité – pas étonnant que certains croient mordicus qu’un jour ou l’autre la médecine parviendra à vaincre la mort. Je ne peux m’empêcher de songer que c’est déplorable, inquiétant, effrayant.

La vie, que je sache, trouve en partie son sens en ce que la mort en est intégrante. Si on l’oublie, si on le nie… Quid de notre avenir ?

6/09/2007

Révolution orange


Révolution orange
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Honda 600 Hornet

Proposition de temps libre: et si on louait une moto?

Eté 1972. J’ai cinq ans. Je dors avec mon ours en peluche dans la chambre que je partage avec ma petite sœur. Lorsqu’un bruit me réveille. J’ouvre les yeux. J’entends un bruit. Persistant. Il fait si noir. Ma sœur continue de dormir. Je reconnais ce bruit. Mais pas de sa part. De sa part, ça me terrorise. Mon père. Mon père pleure.

Eté 1972. Ma tante, la sœur de mon père, âgée de quinze ans, est allée faire un tour en moto avec un cousin. Criminel de cousin, qui l’a laissé monter sur sa machine sans casque. Il n’en avait qu’un, il l’a gardé pour lui. Tortueuses routes du bord de mer. Une voiture sort d’une propriété privée. Ne les voit pas. Le cousin ne la voit pas. Ou trop tard. Choc. Même dans la chute, il ne lâche pas le guidon. Il s’en tirera avec quelques égratignures. Ma tante gicle. Vole. Retombe. Sa tête heurte l’asphalte. A l’hôpital, personne n’y pourra rien. Hémorragies internes multiples. Elle pisse le sang, de partout. Jusqu’à ses yeux qui en pleurent. Coma. Quelques heures, et ciao. Mon père, apprenant la nouvelle, fond en larmes. Pleure. Et moi j’ai peur.

Et si on louait une moto?

Que répondre, entre l’envie et la terreur? Quelle que soit la réponse, du moins il faut être sûre. Pas question de faire la girouette. D’outre-tombe, sieur comportementaliste me rappelle que l’évitement n’est jamais une solution, qu’une peur s’affronte pour mieux se démanteler. Et que c’est aussi valable, surtout, pour les croyances.

C’est ainsi que tout doit se terminer, ainsi que la boucle sera bouclée. Je me marre, parce que je ne suis pas ma tante, parce que la contamination est une histoire à reléguer sur une antique cassette VHS, tandis que je vais graver mon propre DVD. Je me marre, mais je ris un peu jaune.

Ok, va pour la moto.

Il vient me chercher en fin de journée à Lausanne. L’orage menace, il commence à pleuvoir. Soit on part de suite, soit on prend le risque de rester bloqués. On part de suite. Tant mieux, cela m’évite d’élucubrer trop avant. Je stresse. Un maximum. Boule à l’estomac, le cœur qui tachycarde. J’ai pris ma décision, et je m’y tiens.

Des premières minutes, je ne me rappelle rien. Je m’accroche au blouson de mon conducteur, seuls comptent mes doigts agrippés. Je l’entends vaguement m’expliquer que je ne dois laisser aucun espace entre nos deux corps, afin de limiter l’impact de l’air. J’écoute et j’obéis, en mode automatique.

Autoroute. Je reprends mes sens sur l’autoroute. Le compteur. 150 km/h. Intérieurement, je hurle: «NOUS SOMMES COMPLETEMENT FOUS!!! NOUS ALLONS MOURIR! MOURIR, MOURIR, MOURIR!!!» Tout arrêter, descendre de cet engin mortel, continuer à pied… J’ai pris ma décision, et je m’y tiens.

Je lui fais confiance. Conducteur émérite, expérimenté, je sais qu’il ne nous mettra pas en danger. Je lui fais entièrement confiance, ce n’est pas un vain mot. Je lâche prise.

Clic, déclic. Primordial, sans savoir ce qui se joue. Voie ouverte, ni barrière, ni censure, vers le plaisir.

J’aime. La vitesse. La moto qui vibre et nous relie, mon homme et moi, dans un corps à corps vital. J’aime. D’autres bruits. Le moteur qui feule, gronde, crie. La constance du vent dans mes oreilles. Du trafic. J’aime. L’air qui s’engouffre sous mon casque, me transperce de part en part, me remue, me secoue, me caresse et tour à tour me malmène. J’aime. Les odeurs. Les parfums. Les senteurs. Les fragrances. Gaz d’échappement, ozone du ciel orageux, «vao» du sol libéré par la pluie, foins fraîchement coupés, remugles de compost avant pourriture, vagues humides du lac, sous-bois champignonneux des forêts. J’aime. L’adrénaline qui monte à mon cerveau. Un sourire béat sur mes lèvres. Un poing levé. «Yes, yes, YES!!!»

J’ai aimé cette première fois, si proche d’une première fois orgasmique. J’ai aimé la partager avec l’homme que j’aime. J’ai aimé mon baptême sur deux jours, et le soir bercée dans les virages, jusqu’à souhaiter s’endormir, apaisée. Et le lendemain autour du lac Léman, autoroute encore, chemins de montagne, paysages extraterrestres, cul de sac, retour en arrière. J’ai aimé jusqu’au chien qui lorgnait mon mollet. J’ai aimé les routes, le défilement des routes, des horizons infinis aux embouteillages empuantis. J’ai aimé croiser d’autres motards. Un geste, une reconnaissance. Bienvenue au club.

J’ai plus qu’aimé. J’ai adoré. J’ai plus qu’adoré. J’ai passionné.

Plus qu’un baptême, un chemin d’initiation.

Instant de grâce.

Merci.